Le pseudonyme dans la littérature algérienne brouillage de pistes ou fantaisie...
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N°17 Septembre 2013


Le pseudonyme dans la littérature algérienne brouillage de pistes ou fantaisie...

pp-fr : 35 - 47

Mohamed BOUDJADJA
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Résumé

 Considéré  longtemps comme   une  pratique  marginale, le  pseudonyme  littéraire  a été   peu  étudié.  Pourtant, de nombreuses  œuvres ont   été    publiées  sous   un  faux   nom déroutant souvent les lecteurs.

Pratiques courantes en littérature, les pseudonymes et masques sont perçues comme synonymes de liberté, de protection ou bien d’un changement de genre.

Mais qu’apporte exactement ce brouillage des pistes ? Est-ce une preuve d’imagination ou une touche poétique? Est-ce  une  supercherie littéraire ou  un soupçon d’authenticité?

 Cet article tente de s’interroger sur les raisons et les fonctions de cette pratique auctorielle dans  la littérature algérienne; il interroge également un exercice d’écriture dont les desseins bien qu’inavoués  pourraient relever de l’ordre politique et poétique.

Abstract

    Long considered a marginal practice, the literary pseudonym has been little studied.  Yet, many works have been published under a wrong name often confusing readers. 

Current practices in literature, masks and pseudonyms are perceived as synonymous with freedom, protection, or a change in kind. 

But what exactly does this interference of the tracks? Is this proof of imagination or a poetic touch? Is it a literary hoax or a hint of authenticity? 

This article attempts to examine the reasons and functions of this practice auctorielle in Algerian literature; it also deals with this aspect of  writing whose ultimate aims, though unavowed, would still be  political and poetic.

Introduction

          Écrire sous un pseudonyme ou sous un "nom de plume" est une vieille tradition. Beaucoup des plus grands noms de la littérature ont été « inventés » et bien des auteurs des meilleures ventes  utilisent eux aussi des pseudonymes. Les noms déguisés dans les arts et dans la Littérature ont existé de tout temps ; d'autres ont été appliqués à des personnages célèbres par leurs contemporains.

Ce qui rend  la pseudonymie plus grande encore, c'est cette mode, ou cette manie, qu'ont adoptée un très grand nombre des écrivains, d'avoir un double nom. Ils ont un nom pour la société, et un nom littéraire pour les arts, pour la littérature et le théâtre, des noms artistiques et littéraires.

A quoi peuvent servir ces masques, sont-ils signes d’une difficulté, pour les auteurs, à assumer leur statut d’écrivain? Sont-ils, au contraire, cautions de la bonne santé du champ littéraire? Qu’apporte exactement ce brouillage des pistes ? Et -ce que cette pratique a sa place dans la littérature algérienne ? Quelles en sont les tenants et aboutissants ?

1-Détour théorique : « je » est un autre

D’aucuns ne peut contredire que le pseudonyme est l’expédient par excellence qui représente l’auteur dans le monde des lettres, alors que l’individu reste sagement derrière, en retrait.

P. Lejeune affirme dans Le Pacte autobiographique  que le pseudonyme n’est pas seulement un « second nom […] aussi authentique que le premier, [qui] signale simplement cette seconde naissance qu’est l’écriture publiée »[1].

Selon lui, « Le pseudonyme est simplement une différenciation, un dédoublement du nom, qui ne change rien à l’identité(…)Il ne faut pas confondre le pseudonyme ainsi défini comme nom d’auteur (porté sur la couverture du livre)avec le nom attribué à une personne fictive à l’intérieur du livre »[2].

Mais en se plaçant du point du vue de l’auteur et non du lecteur, il est plus  intéressant de considérer que ce nom pseudonymique peut « aussi se lire comme la signature d’un être fictionnel ».

 G. Genette qui le qualifie de « nom fictif », entend ainsi rapprocher la pseudonymie de la supposition d’auteur, pratiques qui reposeraient toutes deux sur une même structure fictionnelle.

« nom fictif, la pseudonymie serait une « variante » de la supposition d’auteur : il s’agirait de « l’attribution d’une œuvre, par son auteur réel, à un auteur imaginaire dont il ne produirait rigoureusement rien d’autre que le nom[3]

En usant d'un pseudonyme pour signer une œuvre littéraire, il est bien connu que l'auteur veut faire croire qu'il est un autre. Il travestit son identité, lui impose un masque ; il se présente ainsi voilé au public. Il refuse le regard d'un  autre sur soi et se camoufle pour diverses motivations. «Je est un autre» écrivait Rimbaud. Si « je» est un autre, tout devient possible, y compris le risque de dépossession de soi.

Entre simulation et dissimulation onomastique, l’art du pseudonyme est l’art de la signature carnavalisée. « Le pseudonyme exhibe deux traits récurrents du système : il est excès du propre et d’une appropriation ; il obéit au principe des nominations clignotantes»[4].

L’histoire littéraire nous renseigne sur la présence du pseudonyme à travers les âges. On pourrait les classer en quatre catégories: la première est composée du pseudonyme complet pris dans le but de se cacher, soit par force majeureou par fantaisie, soit dans le but de substituer à des noms mal sonnants. Dans la seconde, nous plaçons les anagrammes de noms ; dans la troisième, les noms maternels substitués aux noms paternels. Dans la quatrième variété, nous plaçons un nombre assez considérable d'écrivains dont le nom de famille est caché sous des initiales, et le nom du lieu natal substitué au véritable.Une dernière variété du genre est composée des écrivains qui prennent des qualités sous lesquelles il leur convient de se déguiser.

Aussi, il semble que les raisons qui ont donné lieu aux pseudonymes ont vraisemblablement été toujours les mêmes comme: pseudonyme employé pour des raisons purement pécuniaires (l'auteur préférera prendre un pseudonyme pour ne pas « brouiller » son image vis-à-vis de ses lecteurs); pseudonyme employé comme un préservatif contre les poursuites des créanciers ;pseudonyme employé par la couardise ; des pseudonymes utilisés pour diverses raisons, professionnelles et notamment personnelles :

On écrivait sous un pseudonyme masculin uniquement parce que l’on était une femme. C’est le cas  notamment de "Aurore Dupin" qui signait ses œuvres "George Sand".

D'autres auteurs adoptent un pseudonyme pour échapper au devoir de réserve que leur impose leur charge : c'est le cas de Pierre-Jean Remy, Erik Orsenna ou Saint-John Perse. Diplomates, hauts fonctionnaires, serviteurs de l'Etat, ils mènent une double vie au nom du bon goût. «Le pseudonyme permet un redoublement de la personnalité (...)indispensable pour un poète qui est engagé en même temps dans une activité publique»,affirme Saint-John Perse.

Enfin, l'auteur peut vouloir tester la qualité de son écriture. Romain Gary, auteur à succès, décide, à un certain moment de sa vie, de publier des romans sous plusieurs pseudonymes, dont celui d'Emile Ajar, afin de vérifier si sa qualité intrinsèque d'écrivain est indépendante de sa notoriété.

Ces différents exemples montrent que la création d’un nouveau nom, même très proche de celui de l’auteur, esquisse d’emblée les contours d’une figure d’écrivain particulière en ce que celle-ci est entièrement dédiée à la création littéraire contrairement à la personne civile qui ne se caractérise jamais par sa seule activité d’écriture, quelle que soit l’importance que l’écrivain lui donne dans sa vie : l’auteur réel doit se résoudre à considérer qu’être écrivain n’est qu’un des aspects qui l’identifient.

2- Pseudonymie dans la  littérature algérienne de graphie française

         Un regard sur la littérature algérienne nous permet de constater, qu’à l’instar des autres littératures, la pseudonymie y est toujours présente :

Du temps de la colonisation, des écrivains français d’Algérie usaient de pseudonymes. Pour eux, c’était une authentification, voire une appartenance.

J. Déjeux voit qu’ « il y avait là comme une appropriation. Une mainmise sur le nom et l'identité, parallèlement  la mainmise sur la terre ».[5]

Sidi Floucoun était le  pseudonyme d'un Français signant Contes d'amour et légendes, suivies des Préceptes d'Alla Verdi(Paris, 1897). Etienne Dinet (1861-1929)qui s'appela Nasr-Eddine. D’origine russe, lsabelle Eberhardt (1877-1904)aimait signer ses lettres du prénom masculin Mahmoud Essadi ou encore Si Mahmoud au point que des correspondants ont pris l'auteur pour un homme. Elle signait cependant aussi Isabelle Ehnni, étant mariée avec Slimane Ehnni.

Plus tard, Jean Sénac, signant Yahia el Ouahrani, voulait lui aussi s'intégrer davantage à l'Algérie et montrer par la métamorphose du nom qu'il n'était pas Français.

Mais il y avait aussi des auteurs algériens qui utilisaient des pseudonymes. La plupart du temps, ils servent à dissimuler l'identité, soit par crainte de la répression, soit pour ne pas engager la famille. Parfois, il s'agit d'une réappropriation d'identité comme pour Taos Amrouche (1913-1976)  qui  a changé plusieurs fois son nom d'auteur au cours de ses publications. Mariée au peintre Bourdil, elle signait alors Marie-Louise Bourdil-Amrouche un texte dans L'Arche en octobre 1946, extrait du romanJacinthe noire: qu'elle faisait paraître en 1947sous le nom de Marie-Louise Amrouche (Marie-Louise étant son prénom de baptème). Son roman Rue des tambourins(Paris, 1960)était signé Marguerite Taos (Marguerite, prénom chrétien de sa mère, et Taos le prénom kabyle de Marie-Louise).

D’autres auteurs ont, de leur part,  orientalisé   leurs  noms pour mieux s'intégrer au monde arabe, ou au contraire le franciser (Haniet)par désir d'assimilation politique au colonisateur.

Aussi, il serait intéressant de rappeler qu’étaient de mise des raisons comme:  la  prudence par rapport à la famille ou à l'autorité répressive (Haussan qui signe Comment périra l'Algérie française(1938)cachait R. Zenati, romancier de Bou-el-Anouar(1945), le désir de dérouter le lecteur (Jean Amrouche signé Maxula Radès, il avait pris le nom du lieu où habitait Amrouche (près de Tunis)ou le désir d'« habiter son nom », comme disait Jean Amrouche.

         Cependant, pendant la guerre de libération, le contexte socio-politique impose le recours au pseudonyme : « soit pour se camoufler et échapper à la police, soit aussi pour mythiquement, en même temps, entrer en gloire, pour ainsi dire. » [6]explique J. Déjeux qui ajoute :

 « l'auteur ne tient à apparaître que sous un autre aspect : glorieux peut-être, par exemple pendant une guerre révolutionnaire, en prenant le nom d'un héros ancestral connu. L'auteur qui use d'un pseudonyme se retrouve pour ainsi dire en face de son double. Dans le miroir, c'est le même mais aussi l'autre qui apparaît, à la fois le même et l'autre, soi-même dans une autre identité »[7].

 Noureddine Aba emploie pour son premier recueil en 1951le nom de Abaoud Aba. Mohammed Haddadi, pour son premier recueil de poèmes en 1954, se cache sous le nom de Djim Laforge et  Colette Anna Grégoire, épouse Melki qui signait ses poèmes Anna Gréki.

 Néanmoins, après l’indépendance, on continue à user de pseudonymes mais les desseins ne sont pas les mêmes :

Jamel Amrani mettait le nom de Jamil Kabab à la fin de ses poèmes dans Faiza(Tunis)en novembre 1962.

Youcef Khader (pseudonyme de Roger VILATIMO)a signé six romans policiers édités  par la SNED à Alger de 1970à 1972. « Je suis français. Youcef Khader n’est qu’un pseudonyme adopté pour la circonstance et destiné à assurer ma sécurité. »[8]déclare-t-il dans une interview.

         Le pseudonyme  fait partie de la personnalité. L’écrivain  est célèbre avec lui. I1 arrive un moment où l'on veut quand même profiter du succès. Se dévoiler pour mieux bénéficier donc de l'entrée en gloire (si la réussite littéraire survient). Les noms de guerre, par exemple, sont conservés, car la crainte des représailles a disparu. Mais à l'inverse, des auteurs n'ont utilisé leur pseudonyme qu'une seule fois, comme s'ils avaient eu hâte par la suite de l'oublier.

Il y a cependant le cas des femmes  écrivaines qui ont leurs propres raisons. Nassira Belloulaexplique cela:« La plupart des écrivaines ont eu recours à un pseudonyme, la peur de l’engagement, du nom familial, celui du mari ou du père, la peur d’être reconnue, de ne pouvoir écrire librement, une lutte contre l’autocensure, et un masque qui permet de dire des vérités. » [9]

S’inquiétant des réactions de son père en découvrant qu’elle a écrit un livre, Zohra Imalayen a opté pour Assia Djebar.

Aïcha Chabi (Laïdi)connue sous le pseudonyme d’Aïcha Lemsine (des initiales en arabeل س) disait qu’elle voulait protéger sa vie privée et ne pas s’exposer aux «jugements» de la sphère dans laquelle elle évoluait.  Maïssa Bey dont le vrai nom est Samira Benameurcommence à écrire pendant les années 1990, dites « les années noires ». Elle restera très fière de son pseudonyme, accordé par sa mère qui voulait le lui donner à sa naissance.

       Ainsi, pour l’écrivain algérien, le pseudonyme qui sert à dissimuler l'identité, à sa réappropriation, à dérouter le lecteur ou  à transgresser des « barrières », ne serait pas un masque inutile, au contraire c’est le signe de la mise en valeur de soi.

Le pseudonyme dans la littérature  algérienne reste une pratique privilégiée par l’écrivain: cette signature masquée désigne alors les marges d’une littérature qui tente de s’écrire, de faire admettre sa légitimité, voire de se dégager d’un univers formé de conventions et de règles. Les signatures pseudonymiques varient  en fonction du type de littérature et de ses fonctions: engagement, divertissement ou encore expression de soi.

3-Le cas Yasmina Khadra: histoire d’un pseudonyme

 S'il existe un cas particulier dans la littérature algérienne, c'est bien celui de Yasmina Khadra. L’identité de l’auteur semble problématique.

Il utilise dans les années 90une fausse signature (Yasmina Khadra), se nimbe d’un fugitif mystère, puis dévoile son identité en 2001(Mohamed Moulessehoul), mais en conserve paradoxalement le nom de plume (Yasmina Khadra).

Si ses textes sont signés Yasmina Khadra, prénoms de femme, ce nom cache en fait un homme.

Certes, « Un pseudonyme qui ne change rien à l’identité »[10] affirme P. Lejeune. Néanmoins, ce pseudonyme avait caché l’identité de l’auteur durant des années. Yasmina Khadra donnera avec une sorte de ferveur les raisons et les circonstances de son choix: l'amour et le respect qu'il voue à l'épouse à laquelle il a donné son nom, et qui lui offre, en retour, ses deux prénoms, comme pour un nouvel échange de nouvelles alliances. Mais il est une autre raison, qui se greffe à la première. Prendre un prénom féminin, c'est, pour Mohamed Moulessehoul, exprimer son admiration profonde pour les femmes algériennes, leur courage, et l'espoir qu'elles entretiennent, comme on entretient une flamme qui a peut-être sous les yeux, et à portée de main, de purs et hauts repères qu'il ne voit pas.

Les raisons qui l’ont poussé  à camoufler son identité première sous ce nom d'emprunt sont donc multiples et variées. Celles qui incitèrent l'officier Mohamed Moulessehoul à le faire, semblent assez manifestes: D'une part, « entrer en clandestinité » comme il le dit dans une de ses interviews lui permettra pour le moins d'en finir avec une sorte d'autocensure qu'il perçoit dans ses premiers écrits. Il se doit donc de rompre ave le cadre rigide de la vie militaire. Rupture, Yasmina Khadra y insistera chaque fois qu'il le pourra. D'autre part, un peu d'ombre ne peut être que propice à la création romanesque quand l'écriture prend pour champs l'intolérable et l'intolérance. Le Commissaire Llob (l’autre pseudonyme de Mohamed Moulessehoul)est un homme tourmenté et constamment perturbé par l’horreur de l’existence, c’est avec cynisme qu’il fait un examen de sa personne et des autres.

Depuis le jour où  il a décidé de dévoiler son vrai nom, son identité véritable n’est plus cachée. L’écrivain-soldat / le soldat-écrivain bouleverse l’opinion publique. Expliquant sa contrainte au silence, il dira: « ()il fallait dire pourquoi, il était impératif pour moi de rester dans l’anonymat. Et que ça n’a pas été facile, pour moi, de devenir écrivain[11]

Pour éclairer une situation où prévalaient  quelques sous-entendus, d'insinuations plus ou moins ouvertes, il écrira L'imposture des mots(Julliard : 2002)qui complète ce que révélait déjà L'écrivain (Julliard :2001), la passion pour l'écriture, l'itinéraire dans la littérature de Mohamed Moulesshoul, depuis le temps où il était le matricule 129à l'école des cadets d'El Mechouar jusqu'à celui où il est devenu Yasmina Khadra.

Dans L’écrivain, « je » est Mohamed, mais il est Khadra aussi. Dès la couverture, le lecteur peut penser que l’écrivain Khadra écrit la biographie du militaire Mohamed Moulessehoul. Ainsi Khadra, « écrivain biographe » fait le récit de la vie du soldat. Il ne va d’ailleurs superposer ces deux identités qu’à la page 49 de L’écrivain.

Dans L’imposture des mots, Mohamed et Khadra se rejoignent, il est tantôt Khadra, tantôt Mohammed et de manière distincte : ces deux entités semblent se séparer comme si deux hommes se côtoyaient dans une sorte de jeu de miroirs où l’un est face à l’autre. Chacun renvoie une image opposée de l’autre dans une sorte de chassé-croisé.

La voix qui raconte est une voix importante qui relie les deux textes par le fait que Mohamed dans L’écrivain se trouve être Yasmina dans L’imposture des mots. Le pacte autobiographique est dispersé, si nous pouvons nous exprimer ainsi, entre les deux œuvres.

Dans L’imposture des mots,Khadra lutte de manière superbe, convoquant ses personnages, les auteurs qu'il aime, et jusqu'au commandant Moulessehoul, les interpellant, dans un tourbillon de dialogues et de commentaires. Il s'agit bien de lutter contre ce avec quoi on prétend terrasser l'homme et l'écrivain.

A voir plus clair, Khadra utilise ce pseudonyme comme symbole d’une naissance par l’écriture, puisqu’il cherche une nouvelle façon d’échapper à la censure. Le nom sera symbole d’une libération, il dit à ce propos :

« Autant l’institution militaire est incompatible avec l’activité de l’écriture, autant la censure nuit gravement à l’écrivain. Je m’autocensurais quand je signais de mon vrai nom. Il y avait donc des freins, des contraintes, des concessions qui se répercutaient sur le texte. Mais en choisissant un pseudonyme, tous les tabous, tous les carcans, toutes les chaînes ont sauté. C’est là que j’ai pu véritablement découvrir l’écrivain que j’étais. »[12]

En somme, le choix du pseudonyme Yasmina Khadra est singulier comme l’est son écriture. Un choix qui n’est sans conséquence esthétique puisqu’il est une caractéristique de l’écriture de Khadra.  Cet écrivain qui multiplie les styles cherche à rebondir grâce à son écriture et c’est bien par cette voie qu’il comptait convaincre son lectorat.

conclusion 

         Il est important de signaler, en guise de conclusion, que la façon de signer n’est pas des fois étrangère au projet d’écriture, à sa réalisation et à sa reconnaissance. Dans la littérature algérienne, les signatures, dans l’ensemble, varient en fonction des générations, des espaces éditoriaux, des genres littéraires, du type de carrière littéraire et de l’état du champ dans lequel les auteurs s’inscrivent.

 Ainsi, le pseudonyme a beau être perçu, en termes de rapport à la réalité, comme s’il désignait purement et simplement un individu, il n’en reste pas moins que son fonctionnement s’appuie sur une structure de fiction, ce qu’attestent les différents termes usités pour le désigner, et, par contamination, pour désigner le sujet auquel il se réfère.

Une importance est à donner à  une recherche significative non hermétique, comme des clefs psychanalytiques ou plus simplement comme des marques d’une complicité que le lecteur doit inventer. Elle subvertit ainsi les codes courants de l'auctorialité, notamment sa supposée unicité, et implique une relation au nom propre et à la propriété littéraire qui engage un positionnement particulier de l'écrivain par rapport à sa production et à la façon dont il la donne  à son public.



[1]Philippe Lejeune.  Le Pacte autobiographique, Editions du Seuil, 1975, p. 24

[2]Ibid.

[3]Gérard Genette.  Seuils, Paris, Seuil (Points Essais), 1987, p. 51

[4]Maurice Laugaa.  La pensée du pseudonyme, Paris, PUF, 1986, p. 293

[5]Jean Déjeux. L'identité et le Masque. Les Pseudonymes dans La Littérature de Langue Française enAlgérie.Editions du CNRS, 1985, p.389

[6]Ibid. p.392

[7]Ibid.

[8]Youcef Khader. « La critique, art difficile » in El Moudjahid, 8août 1970.

[9]Nassira Belloula.  De la pensée vers le papier, soixante ans d’écriture féminine algérienne. ENAG, 2009, p.

[10]Philippe Lejeune.  Le Pacte autobiographique, p. 24

[11]Yasmina Khadra dans une interview accordée Sid Ahmed Semiane, Le Matin,8février 2001.

[12]Ibid.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Mohamed BOUDJADJA, «Le pseudonyme dans la littérature algérienne brouillage de pistes ou fantaisie...»

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Papier : pp-fr : 35 - 47,
Date Publication Sur Papier : 2013-12-01,
Date Pulication Electronique : 2013-09-24,
mis a jour le : 14/01/2019,
URL : https://revues.univ-setif2.dz:443/revue/index.php?id=777.