Est-il temps pour une Cour internationale des conflits : Un œil sur les différends liés au Droit de la Mer ?Is It Time for an International Court of Conflicts: An Eye on Law of the Sea Disputes?
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Est-il temps pour une Cour internationale des conflits : Un œil sur les différends liés au Droit de la Mer ?
Is It Time for an International Court of Conflicts: An Eye on Law of the Sea Disputes?
p p 382-395
Date de réception : 2018-01-11 Date d’acceptation : 2021-01-06

Katya Guermache
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  • resume
  • Abstract
  • Auteurs
  • TEXTE INTEGRAL
  • Bibliographie

عرف التنظيم القضائي الدولي منذ حوالي عشرين سنة تعددا في المحاكم الدولية خاصة في: مجال قانون البحار؛ موضوع دراستنا، إذ شهد القانون الدولي للبحار؛ ميلاد المحكمة الدولية لقانون البحار، ومحاكم التحكيم (العام و/الخاص)، إلى جانب المحاكم التقليدية كمحكمة العدل الدولية، والمحكمة الدائمة للتحكيم. إن تعدد المحاكم الدولية في مجال قانون البحار ناتج عن أسباب عدة منها: رغبة الدول في إنشاء محاكم جديدة، طبيعة منازعات قانون البحار وتعدد مصادره-خاصة-الاتفاقية منها، وإن هذا التعدد -وإن كان من جهة-يمنح خيارا واسعا لوسائل التسوية إلا أنه -من جانب ثان-يطرح مسألة تنازع الاختصاص، وتناقض الأحكام بين هذه المحاكم، وهي ظاهرة يتعين على القانون الدولي عموما، والقانون الدولي للبحار-خصوصا-مواجهتها، ومن ثم تطرح مسألة مدى الحاجة لمحكمة تنازع دولية.  

الكلمات المفاتيح: المحاكم الدولية؛ قانون البحار؛ تنازع الاختصاص؛ تناقض الأحكام

Le système judiciaire international a connu depuis une vingtaine d’années une multiplication des juridictions internationales, spécialement en Droit de la mer, sujet de notre étude. Le Droit de la mer a vu naitre un Tribunal international du Droit de la mer et des Tribunaux d’arbitrage (général et spécial), sans pour autant éliminer les juridictions internationales traditionnelles telles que la Cour internationale de justice et la Cour permanente d’arbitrage.  La multiplication des juridictions internationales en Droit de la mer est due à diverses raisons, en l’occurrence la volonté des États, la nature des différends liés au Droit de la mer et la diversité de ses sources, spécialement les sources conventionnelles. Cette multiplication offre, d’un côté, un choix immense de moyens de résolution des différends et pose, d’un autre côté un problème de conflit de compétence et de jugements contradictoires, problème auquel le Droit international en général et le Droit de la mer, plus spécialement, doivent faire face et d’où se pose la question de la nécessité d’une Cour internationale des conflits.

Mots clés :Juridictions internationales, Droit de la mer ; Conflit de compétence, Jugements contradictoires

The international legal system has known, for about twenty years, a multiplication of the international jurisdictions, especially in the Law of the sea that is the subject of our study. The Law of the sea witnessed a birth of an International tribunal for that end, in addition to Arbitral Tribunals (general and special arbitration), without eliminating the traditional international jurisdictions such as the International Court of Justice and the Permanent Court of Arbitration. The multiplication of the international jurisdictions in the Law of the sea is due to varied reasons, such as the will of the countries, the nature of disputes related to the Law of the sea and the diversity of its sources, especially the conventional sources. This multiplication offers not only an immense choice of means of resolution, but, also, poses a problem of conflict of competence and contradictory judgments, a problem that International Law, in general, and the Law of the sea, in particular, must face. The question of the need for an International Court of the Conflicts arises then.

Keyswords:International jurisdictions, Law of the sea; Conflict of competence, Contradictory judgments

Quelques mots à propos de :  Katya Guermache

université Mohammed Lamine Debaghine, Sétif 2, guermachekatia@yahoo.fr

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Introduction

Depuis 1994, date de l’entrée en vigueur de la convention des Nations Unies sur le Droit de la mer de 1982, de nouvelles juridictions ayant compétence en matière de résolution des différends liés au Droit de la mer ont été instaurées, on a vu naitre le Tribunal international du Droit de la mer et les Tribunaux internationaux d’arbitrage général et spécial, à côté des anciennes juridictions, tel que la Cour internationale de justice et la Cour permanente d’arbitrage.

Ces nouvelles juridictions ont compétence en matière de résolution des différends liés à l’interprétation et à l’application de la convention des Nations Unies sur le Droit de la mer (CNUDM), ainsi que tout différend lié à l’interprétation ou l’application de tout accord international se rapportant aux buts de la convention soumis conformément à cet accord (article 288de la CNUDM). Mais vu que la convention des Nations Unies sur le Droit de la mer n’est pas l’unique source du Droit international de la mer, autres forums de règlement peuvent être choisis en dehors du système instauré par la convention, un droit affirmé expressément aux articles 279,280de la convention elle-même.

Ce vague choix de forums de règlement des différends offre, d’un côté, un choix immense de moyens de résolution des conflits internationaux favorisant ainsi le règlement pacifique des différends, mais ce multiple choix, d’un autre côté, a favorisé, depuis 1999, l’apparition du phénomène de conflit de compétence entre juridictions internationales et le risque de jugements contradictoires. Problèmes soulevés et illustrés dans quatre affaires, sujets de controverse juridictionnelle et doctrinale, dont le résultat était le règlement de différends juridiques en dehors des institutions instaurées pour dire le Droit.

L’apparition d’autres affaires soulevant même problèmes est imminente, d’où la nécessité de chercher une solution efficace et définitive. Afin d’atteindre ce but la problématique de notre étude est conçue comme suit : vu les effets de la multiplication des juridictions internationales sur le Droit de la mer, serait-il plus adéquat de créer une Cour internationale des conflits ?

Pour répondre à cette problématique, nous allons procéder à exposer deux causes principales de la multiplication des juridictions internationales : la volonté des Etats et la nature des différends liés au Droit de la mer. Puis étudier les deux effets néfastes de cette multiplication : le conflit de compétence et le risque de jugements contradictoires, à la lumière des affaires en cause, pour exposer à la fin de notre étude, pourquoi opter pour une Cour internationale des conflits. De ce fait notre plan d’étude est le suivant :

1/Causes de la multiplication des juridictions internationales :

1.1/La volonté des Etats.

1.2/La nature des différends liés au Droit de la mer.

2/Impacts négatifs de la multiplication :

2.1/Le conflit de compétence.

2.2/Le risque de jugements contradictoires.

3/La nécessité d’une Cour internationales des conflits :

3.1/Nécessité due à une controverse juridictionnelle.

3.2/Nécessité due à une controverse doctrinale.

1/Causes de la multiplication des juridictions internationales :

   L’apparition de nouvelles juridictions internationales en Droit de la mer est due à deux causes principales ; La volonté des Etats et la nature des différends liés au Droit de la mer :

1.1/La volonté des Etats

L’idée de la création de nouvelles juridictions en Droit de la mer est apparue lors de la quatrième session de la Conférence des Nations Unies sur le Droit de la mer, à un moment où plusieurs Etats venaient d’avoir leurs indépendances refusant de se soumettre à un Droit auquel ils n’avaient pas participé et à des juridictions où ils étaient mal représentés.

   Les points de vue se divisèrent en trois tendances au sujet de la création du nouveau Tribunal du Droit de la mer :

A) -Le premier groupe refusa la création d’un nouveau tribunal, et voyait que la création d’une chambre spéciale au sein de la Cour internationale de justice était suffisante, cette solution éviterait le risque de jugements contradictoires.

 B)-Le deuxième groupe était en faveur de la création d’un Tribunal spécialisé en Droit de la mer, en préservant la Cour internationale de justice comme forum, vu que cette dernière n’est accessible que par les Etats, tandis que la  nouvelle convention du Droit de la mer permet aux particuliers et aux entreprises de se livrer à des activités dans la zone, des différends pourraient survenir entre ces particuliers et l’autorité, d’où la nécessité d’un nouveau tribunal permettant à ces entités de faire valoir leurs droits.

   Les pays en voie de développement avancèrent, pour argumenter leurs points de vue favorisant la création de ce nouveau tribunal, que le mode de désignation des juges au sein de la Cour internationale de justice ne garantit pas leurs intérêts, d’où la nécessité d’un nouveau tribunal qui prendrait en considération ce point.

Ce groupe ajouta que la Cour internationale de justice est dépourvue d’une compétence obligatoire au sens propre du mot, d’où la nécessité d’un nouveau tribunal ayant compétence obligatoire dans des domaines spécifiques.

C)-Le troisième groupe était en faveur de la création de deux nouveaux tribunaux en Droit de la mer, l’un ayant compétence en matières énoncées à la première partie du projet de la nouvelle convention sur le Droit de la mer, et le deuxième spécialisé en différends liés au fonds marins1.

Quant à l’arbitrage spécial, nommé lors de la quatrième session « procédures ad hoc », les délégations des pays arabes et pays en voie de développement le refusèrent, tandis que quelques délégations des pays développés qui acceptèrent l’idée d’un arbitrage spécial se posèrent la question de savoir si les autres juridictions auraient compétence à résoudre les différends réservés à l’arbitrage spécial, et si le tribunal d’arbitrage spécial  aurait  une compétence exclusive en matière des différends liés à l’application de la convention sans autant pouvoir régler les différends liés à son interprétation.

A la neuvième session de la conférence, et par consensus, il a été admis de créer le Tribunal international du Droit de la mer et l’arbitrage spécial comme moyens de règlement des différends liés à l’interprétation et l’application de la convention2.

1.2/La nature des différends liés au Droit de la mer 

Un bref coup d’œil sur la convention des Nations Unies sur le Droit de la mer, nous permet de constater l’immense étendu de son champ d’application ; Elle concerne les différends liés à la délimitation des frontières maritimes, la pêche, la préservation des ressources maritimes, la protection de l’environnement marin, le transfert de technologie, l’exploitation et l’exploration de la zone, la recherche scientifique marine, ect. Ces différends sont aussi sujet d’autres champs du Droit international tel que le Droit international de l’environnement et le Droit international du développement, et à chaque filière de Droit ses sources -spécialement ses sources conventionnelles- qui exigent des modes de règlement des différends spécifiques.                          

Pour illustrer ceci prenant l’exemple d’un différend entre deux Etats parties à la fois à la convention des Nations Unies sur le Droit de la mer et la convention sur la diversité biologique, portant sur la recherche scientifique marine : Le fait de mener un projet de recherche scientifique marine en abusant des ressources génétiques constitue à la fois une violation des articles 240/d, 263/3de la convention des Nations Unies sur le Droit de la mer, et les articles 03et 06de la convention sur la diversité biologique. Les parties en litige, et en l’absence de tout accord sur le moyen de règlement de ce conflit, sont supposés avoir accepté l’arbitrage conformément à l’annexe 07de la convention des Nations Unies sur le Droit de la mer (CNUDM) - en application de l’article 287/3- comme ils sont supposés avoir accepté la conciliation en application de l’article 27/4de la convention sur la diversité biologique, d’où nous constatons qu’un même litige peut résulter de plusieurs sources et être objet de plusieurs juridictions.

2/Impacts négatifs de la multiplication des juridictions internationales

   Si la multiplication des juridictions internationales à des effets positifs en offrant un choix immense de moyens de règlement des différends tout en permettant à d’autres entités que les Etats de pouvoir régler leurs différends devant des juridictions permanentes, cette multiplication a des impacts négatifs, pouvant menacer le Droit international de la mer et l’unité du Droit international en général, ces impacts ont été soulevés dans quatre affaires, deux d’entre elles reflètent le conflit de compétence, tandis que les deux autres illustrent un risque de contradiction de jugements :

2.1/Le conflit de compétence

   Dans le Droit interne, spécialement le Droit Français, une distinction est faite entre « conflit de juridiction» et « conflit de compétence », les conflits de compétence correspondent à une conception différente du partage des compétences résultant du principe de séparation des autorités judiciaire et administrative. Il se rattache à l'existence de deux ordres de juridictionstatuant chacun de manière souveraine et pouvant dès lors s'opposer sur des points de leur compétence. En ce sens, il ne faut pas confondre les conflits de compétence(ou d'attribution) avec les conflits de juridiction ; Les conflits d'attribution sont réglés par un juge spécial et suivant des hypothèses déterminées, tandis que les conflits de juridiction naissent de la répartition de compétences d'un seul et même ordre de juridiction, et non de l'existence de deux ordres de juridiction(conflit de compétence). Les conflits de juridiction ne posent pas de problème très compliqué, ils étaient réglés suivant une procédure spéciale, appelée Règlement de juges, par le tribunal immédiatement supérieur et commun aux deux tribunaux en conflit, ils sont  réglés  aussi au moyen de l'exception d'incompétence, de litispendance ou de connexité.3

   Sur le plan du Droit international, cette différentiation n’est pas autant discutée, vu que l’ordre juridictionnel international est organisé d’une façon horizontale (non hiérarchique), avec une tendance à employés des termes plus vagues tels que « concurrence de juridictions » (competing jurisdictions or jurisdictional competition),  termes employés par exemple par les professeurs (Igor V. Karaman) et (Yuval Shany) pour désigner toute concurrence entre juridictions pouvant mener à un conflit de compétence ou à des jugements contradictoires4.

   Dans cette étude, nous nous abstenant à utiliser le terme « conflit de compétence » pour désigner l’état ou deux ou plusieurs juridictions ont compétence à régler le même différend. Cas illustré en Droit de la mer, après cinq ans de l’entrée en vigueur de la (CNUDM), à l’occasion de l’affaire du thon à nageoire bleue et une année après dans l’affaire de l’usine Mox.

2.1.1/Affaire du thon à nageoire bleue

   L’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon, sont trois Etats parties à la (CNUDM), intéressés à la pêche du thon à nageoire bleue(TNB). Dans le but de la conservation et la gestion de cette espèce, une convention a été conclu en 1993dont les trois Etats font partie : La convention pour la conservation du thon à nageoire bleue (CCSBT), en application de cette convention, une commission a été établie en 1994afin de déterminer le total admissible des captures (TAC), et il a été admis que toutes les décisions de la commission doivent être prises à l'unanimité des parties (article 7de la convention).

   Lors de la première session de la Commission en 1994, le Japon avait proposé la modification du TAC ouvert à la pêche commerciale, et en 1996il avait par ailleurs proposé l'établissement d'un programme de pêche expérimentale conjoint pour s'assurer des effets des mesures de contrôle de la pêche opérées par les parties depuis 1985. Les trois États ne se mirent pas d'accord sur les captures et les modalités concrètes de sa mise en œuvre. En raison de ces différences, la Commission ne parvint pas à arrêter les décisions pour déterminer le TAC des captures et les quotas nationaux, ainsi que les décisions de mise en œuvre de la pêche expérimentale pour les années 1996à 1998. Les parties ont dès lors simplement maintenu le TAC et les quotas nationaux décidés en 1995. En réponse à ce mauvais fonctionnement de la Commission, le gouvernement japonais a unilatéralement décidé une mise en œuvre de la pêche expérimentale pour une période pilote courant du 10juillet au 31août 1998, puis pour une nouvelle période de trois ans à compter de 1999, en prévoyant une hausse des captures annuelles.

   L'Australie et la Nouvelle-Zélande s'y opposèrent et proposèrent la tenue de consultations ainsi que les négociations prévues à l'article 16/1de la convention de 1993, mais sans issu. Le Japon proposa la résolution du différend par médiation, puis par arbitrage en application de la convention de 1993(CCSBT),  l'Australie et la Nouvelle-Zélande répliquèrent que le japon a violé les obligations découlant de la convention des Nations Unies sur le Droit de la mer et la convention de 1993, de ce fait les deux Etats décidèrent que l’obligation d’échange de vue prévue à l’article 283de la (CNUDM) a été épuisé et que les deux Etats aller entamé une procédure d’arbitrage en application de la partie 15de la convention.5

   Il apparait dans cette affaire, que le litige en question est régit par deux conventions, instaurant un système de règlement des différends totalement différent, il ya une opposition entre les disposition de l’article 16de la convention (CCSBT) et l’article 287de la convention (CNUDM) ; L’article 16renvoie à la compétence de la Cour internationale de justice ou à un Tribunal d’arbitrage à condition que le renvoi soit par décision unanime des parties au différend, tandis que l’article 287renvoie à un Tribunal d’arbitrage constitué conformément à l’annexe 07de la (CNUDM), d’où il apparait qu’un même litige, entre les même parties, ayant même cause et même objet peut être l’objet de systèmes de règlement des différends totalement différents           (conflit de compétence).

2.1.2/Affaire de l’Usine Mox :

Cette affaire opposa l’Irlande et le Royaume-Uni au sujet du complexe de Sellafield (source de tensions entre les deux pays depuis plusieurs années), le complexe est situé au Nord-Ouest de l’Angleterre sur les rivages de la mer d’Irlande et à 135kilomètres des côtes irlandaises. En 1990les installations destinées au retraitement des combustibles nucléaires usés ont été complétées par la construction d’une usine de production de combustible pour réacteurs nucléaires associant de l’oxyde de plutonium et de l’oxyde d’uranium, mélange appelé MOX, d’où le surnom de cette affaire.

Le 3octobre 2001, le Royaume-Uni annonça la mise en service imminente de l’usine MOX, fixée au 20décembre 2001, cette annonce fut immédiatement accueillie par des protestations de l’Irlande contre ce qu’elle considère comme une violation des obligations qui s’imposent au Royaume-Uni en vertu de la convention des Nations Unies sur le Droit de la mer de 1982. L’Irlande estima que le fonctionnement de l’usine conduirait à une augmentation de la pollution radiologique de l’environnement marin et à des conséquences dramatiques, tel que les risques de pollution liés à l’augmentation induite par le développement des activités de l’usine et des transports maritimes de matières nucléaires à destination ou au départ du complexe de Sellafield.

   Le 25/10/2001, le gouvernement Irlandais saisit un Tribunal arbitral en application de l’article 287-5qui prévoit que le différend sera soumis à un Tribunal arbitral constitué en vertu de l’annexe VII lorsque Les choix des deux Etats ne coïncidant pas. Une autre instance a été introduite, auparavant le 15/06/2001, devant un autre Tribunal arbitral en application de la convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est (dite Convention OSPAR), le litige portait sur l’application de l’article 9de la Convention OSPAR concernant l’accès à l’information.6

   Le Royaume-Uni souleva devant le Tribunal arbitral constitué en application de la (CNUDM) l’incompétence du tribunal vu que la plupart des préjudices de l’Irlande soulevaient du Droit Européen, et que la convention des Nations Unies sur le Droit de la mer est un Droit mixte, dont la Cour de justice des Communautés Européennes a une compétence exclusive7.

   A la différence de la précédente affaire, cette affaire illustre le cas de conflit de compétence entre une juridiction universelle et une juridiction régionale (CJCE).   

2.2/Le risque de jugements contradictoires 

   Ce risque a été soulevé dans deux affaires, impliquant une organisation internationale (Communautés Européennes, actuel Union Européenne) et entre deux juridictions, dont l’une est soumise au Droit international public :

2.2.1/Affaireconcernant la conservation et l’exploitation durable des stocks d’Espadon dans l’océan Pacifique Sud-Est 

Le 19avril 2000, les Communautés Européennes ont demandé, au niveau de l’organisation internationale du commerce l’ouverture de consultations avec le Chili concernant son interdiction de débarquer des Espadons dans les ports Chiliens, mesure instaurée en vertu de l’article 165de la Loi générale du Chili sur la pêche et l’aquaculture (Ley General de Pesca y Acuicultura).

Les Communautés Européennes (CE) affirmaient que leurs navires de pêche naviguant dans le Pacifique Sud-Est n’étaient pas autorisés, d’après la loi Chilienne, à débarquer des Espadons dans les ports Chiliens, que ce soit pour l’entreposage à terre ou pour le transbordement sur d’autres navires. Les CE estimaient que le Chili empêchait ainsi le transport en transit des Espadons dans ses ports. Elles alléguaient que les mesures susmentionnées étaient incompatibles avec le GATT de 1994, et en particulier les articles V et XI de cet accord8.

Le 20décembre 2000, à la demande du Chili et de la Communauté Européenne, le Tribunal international du Droit de la mer a constitué une chambre spéciale pour connaître du différend concernant la conservation et l’exploitation durable des stocks d’Espadon dans l’océan Pacifique Sud-Est (ordonnance du 20décembre 2000).

   La chambre spéciale était appelée à statuer, entre autres, sur le point de savoir si la Communauté Européenne s’est conformée aux obligations qui lui incombent au regard de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer d’assurer la conservation de l’Espadon dans les activités de pêche entreprises dans la haute mer adjacente à la zone économique exclusive du Chili, par les navires battant pavillon de l’un quelconque des Etats membres de la Communauté, sur le point de savoir si le décret du Chili -censé appliquer en haute mer des mesures de conservation de l’Espadon- constitue une violation de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer; et sur le point de savoir si l’«Accord de Galapagos», conclu au courant de l’an 2000, avait été négocié conformément aux dispositions de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer9.

   Il est clair dans cette affaire que le problème posé ne concerne pas un conflit de compétence entre juridictions, vu que l’objet du différend soulevé devant les deux systèmes de règlement des différends n’est pas similaire, mais il ya un risque de jugements contradictoires, vu que les dispositions de la GATT favorise la liberté de transport et transit, tandis que les dispositions de la CNUDM favorisent la préservation des ressources marines.

2.2.2/ L'affaire Atlanto-Scandian Herring 

  Les îles Féroé sont un territoire autonome du Royaume du Danemark, elles ne relèvent pas du champ territorial de l'Union Européenne.

  Le stock de hareng atlanto-scandinave est réparti entre les zones exclusives respectives de cinq États côtiers, à savoir les îles Féroé, l'Islande, la Norvège, la Fédération de Russie et dans une certaine mesure l'Union européenne. Afin d’une gestion appropriée de ce stock, chaque année, les îles Féroé et les quatre autres États côtiers mènent des négociations en vue de convenir d'une clé de répartition du total admissible de capture ("TAC") recommandée sur avis du Conseil international pour l'exploration de la mer ("CIEM"), et définie sur la base d'un taux de mortalité par pêche établi selon un plan de gestion à long terme convenu entre les cinq États côtiers.

   Les cinq États côtiers n'ont pas pu convenir d'une clé de répartition pour le TAC correspondant au hareng atlanto-scandinave pour 2013, de ce fait, le 26mars 2013les îles Féroé ont fixé à     105230tonnes la limite de capture pour ce stock sur la base des preuves scientifiques disponibles. En réponse à cette décision, l'Union européenne (UE) a adopté des mesures économiques coercitives à l'encontre des îles Féroé ; Elle a interdit l'introduction sur son territoire de certains produits du hareng atlanto-scandinave et du maquereau de l'Atlantique Nord-Est (Scomber scombrus) capturés sous le contrôle des îles Féroé; et elle a banni des ports de l'UE les navires battant pavillon des îles Féroé pêchant le hareng atlanto-scandinave ou le maquereau, et les navires transportant les poissons ou les produits de la pêche issus de hareng atlanto-scandinave ou de maquereau capturés soit par les navires battant pavillon des îles Féroé, soit par d'autres navires autorisés par ce pays battant pavillon d'un pays tiers.

   Vu cette situation, le Royaume du Danemark au nom des îles Féroé a adressé le 16août 2013à l’Union européenne une Notification d’arbitrage et un mémoire en demande, invoquant les Articles 287et 288(1) de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer, en notant que le différend porte sur l’interprétation et l’application de l’Article 63(1) de la Convention concernant le stock partagé de hareng atlanto-scandien10.

   En date du 4novembre 2013, le Royaume du Danemark pour le compte des îles Féroé a demandé aussi l'ouverture de consultations avec l'Union européenne au sujet du recours par l'Union Européenne à des mesures économiques coercitives visant le hareng atlanto scandinave (Clupea Harengus), conformément à l'article 4du Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends ("Mémorandum d'accord") et à l'article XXIII:1de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994("GATT de 1994"). La demande des îles Féroé a été distribuée le 7novembre 2013dans le document portant la cote WT/DS469/1, G/L/1058. Des consultations ont eu lieu le 12décembre 2013en vue de parvenir à une solution mutuellement satisfaisante, mais malheureusement elles n’ont pas permis de régler le différend. De ce fait le Royaume du Danemark pour le compte des îles Féroé a demandé que l'Organe de règlement des différends (ORD) établisse un groupe spécial pour examiner cette question(conformément à l'article 6du Mémorandum d'accord et à l'article XXIII du GATT de 1994). L'ORD, àsa réunion du 22janvier 2014, a reporté l'établissement d'un groupe spécial11.

   Cette affaire est semblable à la précédente, elle concerne un litige réunissant les même parties, mais dont l’objet est différent, le différend soulevé devant le Tribunal arbitral concerne l’interprétation et l’application de la CNUDM, tandis que celui soulevé devant l’ORD de l’OMC, concerne l’application et l’interprétation de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994, d’où un risque de jugements contradictoires était prévisible.

3/La nécessité d’une Cour Internationale des conflits

3.1/Nécessité due à une controverse juridictionnelle

   Dans les quatre affaires précédentes, une concurrence de compétence entre juridictions menant à un conflit de compétence ou à un risque de jugements contradictoires s’est manifestée, avec une position non unanime des juridictions internationales, posant par fois une interprétation conflictuelle des dispositions de la CNUDM et un sursis à statuer (selon la volonté des parties) pendant presque 10ans, ce qui menace spécialement la crédibilité et l’efficacité du système obligatoire de règlement des différends instauré par la CNUDM, ainsi que le Droit international lui-même.

Dans l’affaire du thon à nageoire bleue, le Tribunal arbitral s’est déclaré incompétent, en concluant que l’article 16de la CCSBT fait partie des moyens de résolution des différends stipulés à l’article 281 ; et de ce fait les dispositions de la partie 15ne peuvent être appliqué12.

Cette position fut critiquée pour mauvaise interprétation et application de la CNUDM et des règles d’interprétations conçues dans la convention de Vienne de 1969sur le Droit des traités, pour les raisons suivantes :

A-                      Le tribunal arbitral a affirmé que le différend concerne à la fois l’interprétation et l’application des deux conventions (CNUDM et CCSBT), que l’article 16de la convention CCBT prévoyait des moyens de règlement obligatoires, et qu’en application de l’article 281de la CNUDM il doit se déclarer incompétent à statuer dans cette affaire. Cette logique de raisonnement du tribunal a été jugée comme mauvaise interprétation de la CNUDM, car l’article qui régit les moyens de résolution obligatoires hors CNUDM est l’article 282et non pas l’article 281, et qu’en plus, cette interprétation s’oppose à l’interprétation adoptée par le Tribunal international du Droit de la mer dans la même affaire en tant que juge des mesures conservatoires13.

B-                      Cette mauvaise interprétation mène à une mauvaise application de la CNUDM ; Car l’article 16de la CCSBT conditionne le recours aux moyens obligatoires (arbitrage et CIJ) à un accord commun de toutes les parties au litige (unanimité des parties), clause non consommée dans cette affaire, d’où l’article 282ne peut être un obstacle pour évoquer la section 2de la partie 15de la CNUDM14.

C-                       Le Tribunal arbitral a été aussi critiqué vu qu’il a interprété la CNUDM à la lumière de la CCSBT, en déclarant que suivant l’article 16de la CCSBT et le comportement ultérieur des États, il s’avère que les trois Etats n’ont tendance à accepter les moyens de règlements obligatoires qu’a l’unanimité, une interprétation contraire aux règles énoncées aux articles 30et 31de la convention de Vienne de 1969sur le Droit des traités.

Malgré ces critiques, la sentence arbitrale rendue dans cette affaire, permet de conclure, que lorsqu’un conflit de compétence surgit entre juridictions internationales issues d’un même système (convention cadre-convention type), la solution est l’application des articles 281ou 282, selon la situation, et à condition que le moyen de règlement du différend énoncé dans la convention type soit bien précisé.

Quant à la position du Tribunal arbitral dans l’affaire de l’Usine Mox, ce dernier a choisi par ordonnance datée du 24/06/2003, de suspendre les procédures en attendant la décision de la Cour de justice des Communautés Européennes15, cette dernière a rendu un arrêt le 30/05/2006déclarant la responsabilité de l’Irlande pour violation du Droit communautaire16. De ce fait l’Irlande a retiré sa requête et le Tribunal en date du 06/06/2008a rendu une ordonnance en décidant de consigner le retrait par l'Irlande de la demande formulée par lui contre le Royaume-Uni dans l'affaire de l'usine MOX, et que ces procédures sont terminées17.

L’approche du Tribunal a été félicité, mais avec un peu de remord vis-à-vis de l’attitude adoptée par la Cour de justice des Communautés Européennes, car selon le professeur (Nico Schrijver) le différend ne relève pas en sa totalité que de la compétence de la Cour, et celle–ci selon le professeur (N. Lavranos) pouvait par mesure de complaisance céder la compétence au Tribunal arbitral dans les points ou elle n’avait pas compétence exclusive18.

Dans cette affaire, si le Tribunal arbitral est parvenu par application de la (Lis pendens) à éviter un conflit de compétence, et que cette méthodepourrait être acceptable en Droit international comme solution au risques de conflit de compétence et jugements contradictoires - à condition  du respect des juridictions en conflit de leurs champ de compétence- il est à noter que ce différend a été réglé loin du siège des cours et tribunaux, d’où la nécessité d’une solution plus fiable et effective.

En ce qui concerne l’affaire de la conservation et l’exploitation durable des stocks d’Espadon dans l’océan Pacifique Sud-Est, et l’affaire de l’Atlanto-Scandian Herring, le Tribunal international du Droit de la mer et le Tribunal arbitral, ont prorogé les délais pour une période de   09ans dans la première affaire et pour 01an dans la deuxième, et n’ont pu exprimer leurs positions comme l’a très bien illustré l’ancien président du Tribunal  international du Droit de la mer, le juge (L.Dolliver M.Nelsen)  en déclarant: «L’Affaire des stocks d’Espadon a soulevé un point intéressant dans la mesure où, lorsque le Tribunal a été saisi de l’affaire, un différend portant sur des faits analogues avait déjà été soumis à l’Organe de règlement des différends de l’OMC par la Communauté européenne, ce qui donnait à penser que deux procédures de règlement des différends risquaient d’être menées parallèlement. S’agissant de l’Affaire des stocks d’Espadon, un commentateur avait posé la question suivante : le Droit international repose-t-il sur une doctrine de lis pendens ou de forum non conveniens? Le phénomène de la multiplication des instances internationales a mis l’accent sur cette question. Du fait qu’il n’a pas été donné suite à cette procédure aussi bien devant la chambre spéciale du Tribunal que devant l’Organe de règlement des différends de l’OMC, le Tribunal n’a pas été en mesure de se prononcer sur cette question »19.    

   Il s’avère donc, suite aux positions des tribunaux susmentionnées l’absence d’une solution juridictionnelle définitive au risque de conflit de compétence et de jugements contradictoires, ce qui nous mène à étudier la question via la position doctrinale.

3.2/Nécessité due à une controverse doctrinale

Du côté de la doctrine, des propositions de solutions ont été émises, tels que la proposition du juge (Gilbert Guillaume) de faire de la Cour internationale de justice une cour suprême, Cour d’appel et de cassation des jugements émis par d’autres Cours et Tribunaux, en précisant que cela nécessiterait une grande volonté politique des Etats. Dans le même contexte, le juge (Stephen M. Schwebel) proposa d’attribuer aux Cours et Tribunaux la faculté de demander des avis consultatifs de la Cour internationale de justice, par l’intermédiaire du Conseil de Sécurité ou l’Assemblée Générale des Nations Unies.

Ces deux propositions furent critiquées, vu que le Statut actuel de la Cour n’ouvre ses portes qu’aux Etats, et que la mise en marche de ces propositions exige la modification de son Statut, chose pas évidente à l’état actuel du Droit international20.

Quant au professeur (Igor V. Karaman), il a essayé de schématiser le phénomène de la concurrence en trois catégories :

A-Concurrence au sein d’un même système :C’est le cas des conflits et concurrences entre les conventions cadres et les accords concernant leurs applications et interprétations, ce cas peut être résolu au sein du Droit de la mer, en appliquant les articles 281et 282de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer.

B-Concurrence entre des systèmes différents :C’est le cas où le différend est sujet de deux ou plusieurs systèmes de règlement des différends, dont chaque système a la compétence de résoudre une partie de ce différend, tel que l’affaire de la conservation et l’exploitation durable des stocks d’Espadon dans l’océan Pacifique Sud-Est. Dans ce cas chaque juridiction devrait respecter son champ de compétence, mais cela n’exclurait pas le risque de jugements contradictoires, qui ne peut être résolu, ni par les articles 281, 282, ni par l’application de la (Lis pendens).

C-Concurrence entre système Hybride :C’est l’état où un différend est sujet de plusieurs juridictions, dont quelques-unes ont compétence pour résoudre la même partie du différend, alors que les autres parties sont fragmentées sur d’autres juridictions dont chacune a compétence à connaitre un fragment de ces parties restantes, tel était le cas dans l’affaire de l’Usine Mox. Le professeur (Igor .V. Karaman) salua la position du Tribunal arbitral, comme étant une solution (sage et proactive), et déclara que dans ces cas les parties au différend devraient consulter auparavant la juridiction ayant compétence pour préciser son champ de compétence exclusive21.

Quant au professeur (Yuval Shany), il considère qu’en l’absence de coordination et d’harmonisation entre les Cours et Tribunaux internationaux, on ne peut parler d’un réel système judiciaire, d’un ordre institutionnel organisé et structuré, d’où la crainte de décisions inconsistantes et l’incitation des Etats à engager - de façon abusive- de multiples procédures sans aboutir à un jugement final. De ce fait il propose une réforme structurelle radicale vers la redéfinition de la compétence juridictionnelle des Cours et Tribunaux internationaux, à la création d'une Cour d'appel universelle investie de la juridiction obligatoire, en ajoutant que de telles possibilités sont peut-être trop radicales et nécessiteraient des changements extrêmes dans le présent état du Droit international, donc il suggère  une structure plus raisonnable : La réforme pourrait inclure l'augmentation du rôle de la Cour internationale de justice en tant qu'organe de

coordination et d’harmonie22.

 Vu les positions jurisprudentielles et doctrinales, nous constatons que :

-Si les articles 281et 282de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer, font face aux problèmes de conflit de compétence et risque de jugements contradictoires, leurs applications sont limitées au système de la Convention elle- même (relation entre CNUDM et les accords relatifs à son application ou à son interprétation), leurs applications exigent aussi une unanimité sur leurs interprétation, chose pas toujours garantie. De ce fait, ces deux articles ne peuvent résoudre tous les risques de conflit de compétence et les risques de jugements contradictoires.

-Si le (Lis pendens) est une solution adéquate pour la résolution du risque de conflit de compétence, cette solution est conditionnée à un non abus de la délimitation de la compétence par la juridiction bénéficiaire du renvoi, condition difficile à assumer.

   De ce fait, et vu que le risque de conflit de compétence et de jugements contradictoires est toujours aussi persistant, et que les solutions apportées par la jurisprudence et la doctrine restent insuffisantes, vu l’état actuel du Droit international qui a tendance de plus en plus à se fragmenter et pourquoi pas voir la création de nouvelles juridictions spécialisées (ex :l’appel a une Cour internationale de l’environnement), nous optons pour la proposition du professeur (Yuval Shany) concernant la création d’une Cour internationale Universelle, mais pas comme Cour d’appel, car cela touchera la crédibilité des juridictions internationales existantes, la Cour sera une cour internationale des Conflits, composée de cinq juges, juges compétents en Droit international, ces juges seront désignés par les parties au différend -à l’occasion de chaque différend incluant un risque de conflit de compétence ou de jugements contradictoires-  parmi une liste de juges détenue par le secrétaire général des Nations Unies, et dont chaque Etat membre de l’ONU désignera deux juges.

La compétence personnelle de cette Cour suggérée sera étendue aux Etats, organisations internationales, individus et sociétés internationales. Quant aux procédures, nous suggérons que le droit de soulever le risque de conflit de compétence et de jugements contradictoires soit donné aux parties litigieuses (exceptions préliminaires) et aux tribunaux en conflit.

   Les arrêts de la Cour doivent être rendus dans un délai de trois mois, ils seront obligatoires et définitifs. 

La suggestion de cette nouvelle Cour ne permettra pas seulement de faire face au problème de concurrence de juridictions internationales en Droit de la mer, elle aura compétence pour régler tous les aspects de la concurrence entre organes juridictionnelles, quasi juridictionnelles en Droit international et pourquoi pas même comme solution envisageable pour le conflit de compétence entre le Conseil de Sécurité des Nations Unies et la Cour internationale de justice.

 

Conclusion

   La multiplication des juridictions internationales en Droit de la mer est une réalité imposée, due à la volonté des Etats et à la nature des différends liés au Droit de la mer, cette multiplication a été la cause de l’apparition d’une concurrence entre juridictions internationales menant à un conflit de compétence ou à un risque de jugements contradictoires. Quatre affaires illustrent ces deux phénomènes ; Les deux premières reflètent le conflit de compétence, soit entre juridictions appartenant au même système (affaire du thon à nageoire bleue) ou juridictions appartenant à des systèmes différents (affaire de l’Usine Mox), les deux dernières représentent le risque de jugements contradictoires (affaire de la conservation et l’exploitation durable des stocks d’Espadon dans l’océan Pacifique Sud-Est, affaire Atlanto-Scandian Herring).

   Les positions des juridictions en questions étaient controversées, les solutions émises par la doctrine n’ont n’étaient pas moins, elles peuvent être résumées ainsi :

 -Application des articles 281et 282de la convention des Nations Unies sur le Droit de la mer, quand le conflit de compétence ou le risque de jugements contradictoires est née suite à une concurrence des systèmes de règlements des différends de la Convention et ses accords interprétatifs ou d’application.

-Application de la (Lis pendens), quand le conflit de compétence est issu de la concurrence entre deux systèmes différents.

-Faire de la Cour internationale de justice une Cour suprême.

-Créer une Cour d’appel Universelle.

   Vu que l’application des articles 281et 282exige une interprétation unanime de ces articles, que la (Lis pendens) ne résout pas tous les aspects de la concurrence entre juridictions internationales, tel que le risque de jugements contradictoires, elle est aussi conditionnée au respect strict du champ de compétence par la juridiction bénéficiaire du renvoi, une condition pas  totalement garantie en Droit international, vu que la création d’une Cour d’appel Universelle ou de faire de la Cour internationale de justice une Cour suprême toucherait à la crédibilité des juridictions existantes, et nécessiterait la réforme du Statut de la Cour internationale de justice, vu l’état actuel du Droit international en fragmentation, et l’appel à de nouvelles juridictions internationales spécialisées tel que la Cour internationale pour l’environnement dont la mer est l’un de ses sujets, le risque de conflit de compétence et de jugements contradictoires s’accroit, d’où la nécessité d’une Cour des conflits s’avère primordiale.

   Au sujet de cette nouvelle Cour, nous suggérons qu’elle soit appelée (Cour internationale des Conflits), composée de 05juges compétents en Droit international, désignés à l’occasion de chaque différend incluant un risque de conflit de compétence ou de jugements contradictoires, par les parties au différend. Ces juges seront désignés à partir d’une liste détenue par le secrétaire général des Nations Unies, dont chaque Etat membre de l’ONU a fait le choix de deux juges.

     La compétence personnelle de cette Cour suggérée sera étendue aux Etats, organisations internationales, individus et sociétés internationales.

    Quant aux procédures, nous suggérons que le droit de soulever le risque de conflit de compétence et de jugements contradictoires soit donné aux parties litigieuses (exceptions préliminaires) et aux tribunaux en conflit.

   La Cour des Conflits se prononcera dans un délai de trois mois à partir de la date de l’introduction de la requête, sa décision est définitive et obligatoire.

   La suggestion de cette nouvelle Cour ne permettra pas seulement de faire face au problème de concurrence de juridictions internationales, mais elle pourra être aussi une solution envisageable pour le conflit de compétence entre le Conseil de Sécurité des Nations Unies et la Cour internationale de justice

Références

1.-A.O.Adede, “ The basic structure of the disputes settlement part of the Law of the Sea Convention”, in: Donald R.Rothwell, Law of the Sea, Edward Elgar Publishing Limited, United Kingdom, 2013, pp.737-760 at pp.739-744.

2Salah eddinne Ammer, Droit international de la mer (étude des principales dispositions de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer de 1982), 2ème éditions, Dar Ennahda El Arabia, Egypte,2000, pp.586,587. (Version arabe).

3.-R.R.Mada, “Settlement of Disputes”, 2 H.B.N.I.L.S., 1991, p.1367.

4.Ibrahim Mohamed Edoghma, Le nouveau Droit international de la mer, Dar Ennahda El Arabia, Egypte, 1998, pp.475-481. (Version arabe).

5.- http://fr.jurispedia.org/index.php/Conflit_de_competence_(fr); 

6.http://fr.jurispedia.org/index.php/Conflit_de_juridiction_(fr)

7.-Igor V.Karaman, dispute resolution in the Law of the sea, Martinus Nijhoff publishers, Leiden, 2012, p.249-252.

8.-Mariko Kawano, « L’affaire du thon à nageoire bleue et les chevauchements de juridictions internationales », Annuaire Français de Droit international, vol.49, éditions CNRS, Paris, 2003, pp.516-541 at pp.517-520.

9.Southern Bluefin Tuna Case - Australia and New Zealand v. Japan (https://icsid.worldbank.org/en/ Pages/ about / Southern-Bluefin-Tuna-Case---Australia-and-New-Zealand-v.-Japan. Aspx, site consulté le 05/01/2018 à 20 :38.)

10-Christophe Nouzha, « L’affaire de l’usine Mox (Irlande-Royaume-Uni) devant le tribunal international du droit de la mer : Quelles mesures conservatoires pour la protection de l’environnement ? », actualité et Droit international, Mars 2002 (http//www.ridi.org.adi).  

11. -Voir le contre- mémoire du Royaume-Uni, pp.97-107, sur le site : https://pcacases.com/web/sendAttach/854,  consulté le 09/12/2017 à 11 :00. 

12.-https://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/cases_f/ds193_f.htm,site consulté le 12/12/2017 à 22 :25.

13. -ITLOS/ Press 43, daté du 21 décembre 2000, sur le site : https://www.itlos.org/fileadmin/itlos/documents/press_releases_french/press_release_43_fr.pdf, consulté le 13/12/2017 à 15 :30.

14. - http://www.pcacases.com/web/sendAttach/304.

15. https://docs.wto.org/dol2fe/Pages/FE_Search/DDFDocuments/120697/r/WT/DS/469-1.pdf

16. 11. -https://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/cases_f/ds469_f.htm.

17.12. - Affaire du thon à nageoire bleue entre l'Australie et le Japon et entre la Nouvelle-Zélande et le Japon, sentence sur la compétence et la recevabilité, Décision du 4 août 2000, Recueil des Sentences Arbitrales, Vol. XXIII, Nations Unies, 2006, pp. 1-57 (spécifiquement pp.40-46).

18.13. -Opinion individuelle du juge KENNETH KEITH, ibid, pp.49-57.

19.Igor V.Karaman, Op.Cit., pp.259-260.

20. 14. -Quentin Liénard, « La concurrence des procédures de règlement des différends internationaux environnementaux », in : Yann Kerbrat, Forum shopping et concurrence des procédures contentieuses internationales, Bruylant, Bruxelles, 2011, pp.211-250 at p.242,243.

21.15. - The MOX Plant Case IRELAND V. UNITED KINGDOM, order on 24 June 2003, sur le site: https://pcacases.com/web/sendAttach/867, consulté le 30/12/2017 à 00:04

22. 16. - Affaire C-459/03,  Commission des Communautés européennes/Irlande, arrêt rendu le 30 Mai 2006, disponible sur le site de la Cour de justice de l’Union Européenne : http://curia.europa.eu/juris/showPdf.Consulté le 31/12/2017à 07:45.

23. 17. - MOX Plant Case IRELAND V. UNITED KINGDOM, order on 06 June 2008, sur le site:

24. https://pcacases.com/web/sendAttach/870,consultéle 31/12/2017 à 08 :30.

25. 18. - Nico Schrijver,“The Mox Plant Case-a litigation Saga without a pronouncement on the merits- “In: Heather Clark and Lise Bosman(eds), The Mox Plant Case (Ireland-United Kingdom): record of proceeding 2001-2008, Permanent Court of arbitration Award Series, Vol.7, 2010, pp.1-18

26.N. Lavranos, The Mox Plant and the Ijzeren Rijn Disputes: Which Court is the Supreme Arbiter? 19 LJIL 2006, p.236.

27.19. -Déclaration de M. Dolliver Nelson, président du Tribunal international du Droit de la mer à l’occasion  de la célébration du vingtième anniversaire de l’ouverture à la signature de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer de 1982, devant la cinquante-septième session de l’Assemblée Générale des Nations Unies, le 09 Décembre 2002.( https://www.itlos.org/fileadmin /itlos/ documents / statements_ of_president/nelson/ga_091202_fr.pdf, consulté le 31/012/2017 à14:00).

28.20. - Robert Jennings, International Law, 6th edition, Cambridge University Press, United Kingdom, 2008, p.1117.

29.21. -Igor.V.Karaman, Op.Cit., pp.260-283.

30. 22. - Candice Whyte, Yuval Shany, The Competing Jurisdictions Of International Courts And Tribunals,(Philllipe Sands et al. eds.2003) 348 pp., 12 U. Miami Int’l & Comp. L. Rev. 231 (2005) Available at: http://repository.law.miami.edu/umiclr/vol12/iss1/6(consulté le 31/12/2017 à 21 :45).

Liste des ouvrages

1-Livres

1.                Adede.A.O, « The basic structure of the disputes settlement part of the Law of the Sea Convention”, in: Rothwell Donald R., Law of the Sea, Edward Elgar Publishing Limited, United Kingdom, 2013.

2.  Ammer Salah Eddinne, Droit international de la mer (étude des principales dispositions de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer de 1982), 2ème éditions, Dar Ennahda El Arabia, Egypte, 2000. (Version arabe).

3.Edoghma Ibrahim Mohamed, Le nouveau Droit international de la mer, Dar Ennahda El Arabia, Egypte, 1998.

4. Jennings Robert, International Law, 6th edition, Cambridge University Press, United Kingdom, 2008.

5.Karaman Igor V., Dispute resolution in the Law of the sea, Martinus Nijhoff publishers, Leiden, 2012.

6.Liénard Quentin, « La concurrence des procédures de règlement des différends internationaux environnementaux », in : Yann Kerbrat, Forum shopping et concurrence des procédures contentieuses internationales, Bruylant, Bruxelles, 2011.

Articles

7.1)- Kawano Mariko, « L’affaire du thon à nageoire bleue et les chevauchements de juridictions internationales », Annuaire Français de Droit international, vol.49, éditions CNRS, Paris, 2003.

8.2)- Lavranos N., “The Mox Plant and the Ijzeren Rijn Disputes: Which Court is the Supreme Arbiter?”, Leiden Journal of International Law, Vol.19, 2006.

9.3)-Mada R.R., « Settlement of Disputes”, 2 H.B.N.I.L.S., 1991.

10. 4)-Nouzha Christophe, « L’affaire de l’usine Mox (Irlande-Royaume-Uni) devant le tribunal international du droit de la mer : Quelles mesures conservatoires pour la protection de l’environnement ? », actualité et Droit international, Mars 2002 (http//www.ridi.org.adi).

11.5)-Schrijver Nico, “The Mox Plant Case-a litigation Saga without a pronouncement on the merits-“.In: Clark Heather and Bosman Lise (eds), The Mox Plant Case (Ireland-United Kingdom):record of proceeding 2001-2008,Permanent Court of arbitration Award Series, Vol.7, 2010.

12.6)-Whyte Candice, Shany Yuval, “The Competing Jurisdictions Of International Courts And Tribunals (Philllipe Sands et al. eds.2003) 348 pp., 12 U. Miami Int’l & Comp. L. Rev. 231 (2005) Available at: http://repository.law.miami.edu/umiclr/vol12/iss1/6(consulté le 31/12/2017 à 21 :45).

Recueil

1.Affaire du thon à nageoire bleue entre l'Australie et le Japon et entre la Nouvelle-Zélande et le Japon, sentence sur la compétence et la recevabilité, Décision du 4 août 2000, Recueil des Sentences Arbitrales, Vol. XXIII, Nations Unies, 2006.

Sites Internet

1.  http://fr.jurispedia.org.

2.  Southern Bluefin Tuna Case - Australia and New Zealand v. Japan (https://icsid.worldbank.org/en/ Pages/ about / Southern-Bluefin-Tuna-Case---Australia-and-New-Zealand-v.-Japan. Aspx, site consulté le 05/01/2018 à 20 :38.).

3.www.ridi.org.adi.

4.  https://pcacases.com/web/sendAttach/854

5. https://www.wto.org/

6.The MOX Plant Case IRELAND V. UNITED KINGDOM, order on 24 June 2003, sur le site: https://pcacases.com/web/sendAttach/867

7. Affaire C-459/03,  Commission des Communautés européennes/Irlande, arrêt rendu le 30 Mai 2006, disponible sur le site de la Cour de justice de l’Union Européenne (http://curia.europa.eu /juris/ showPdf).

8.  Déclaration de M. Dolliver Nelson, président du Tribunal international du Droit de la mer à l’occasion  de la célébration du vingtième anniversaire de l’ouverture à la signature de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer de 1982, devant la cinquante-septième session de l’Assemblée Générale des Nations Unies, le 09 Décembre 2002.( https://www.itlos.org/fileadmin /itlos/ documents / statements_ of président/Nelson/ga_091202_fr.pdf).

9.    http://repository.law.miami.edu/umiclr/vol12/iss1/6

 

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Katya Guermache, «Est-il temps pour une Cour internationale des conflits : Un œil sur les différends liés au Droit de la Mer ?»

[En ligne] ,[#G_TITLE:#langue] ,[#G_TITLE:#langue]
Papier : p p 382-395,
Date Publication Sur Papier : 2021-03-08,
Date Pulication Electronique : 2021-03-08,
mis a jour le : 08/03/2021,
URL : https://revues.univ-setif2.dz:443/revue/index.php?id=8178.