تراجع قدسية العذرية الأنثوية وإشكالية التوجه الجنسي The desacralization of female virginity: The sexual orientation in questionLa désacralisation de la virginité féminine : L’orientation sexuelle en question
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تراجع قدسية العذرية الأنثوية وإشكالية التوجه الجنسي
La désacralisation de la virginité féminine : L’orientation sexuelle en question
The desacralization of female virginity: The sexual orientation in question
ص ص 326-335

Wahiba Guiraa Hatem / Dahbia Dahmani
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الكلمات المفتاحية

العذرية الأنثوية

التحولات الاجتماعية

التوجه الجنسي

الجنسية المثلية

الوالدية أحادية الجنس

يعرض هذا المقال رؤية حول تاريخ تحرر الجنسية الأنثوية وعلاقتها بظهور أشكال جديدة للروابط الاجتماعية.  لا يتعلق الأمر هنا بإطلاق أحكام أو بالتحيز لثقافة أو لأخرى وإنما يتعلق بطرح وجهة نظر بطريقة موضوعية بالاستناد على نتائج بحث علمي. يبدو أن تراجع النظام التقليدي لم يمنع العذرية الأنثوية من الاستمرارية رغم التحولات التي تعصف بأشكال التعايش التقليدية. لقد جعلت من الرمزية (الجراحة، اللباس) وسيلة من أجل الدفاع عن نفسها في مواجهة الاستئصال والاندثار.  هذه الإشارة تدعونا للبحث عن الدلالة النفسية للعذرية الأنثوية والعلاقة المحتملة بين تجريدها من قدسيتها وظهور نزعات ذات صلة بالتوجه الجنسي للأفراد.

Cet article retrace une réflexion autour de lhistoire de la libération de la sexualité féminine et sa relation avec les nouvelles formes de liens sociaux. Il ne sagit pas ici de se positionner dans une culture ou une autre mais, dexposer un avis dune manière objective. Il semble que le recul du patriarcat na pas empêché la virginité féminine de persister malgré les mutations. Elle fait du symbolique (chirurgie, habillement) un moyen pour se défendre contre leffacement. Cette constatation nous invite à chercher la signification psychique de la virginité et la relation entre sa désacralisation et les nouvelles orientations sexuelles.

Informations sur l'article

Date de réception: 16/01/2021

Date dacceptation:12/05/2022

 

Mots clés

 virginité féminine

mutations sociales

 orientation sexuelle

homosexualité

monoparentalité

This article traces a reflection on the liberation of female sexuality. It is not a question here of positioning oneself in one culture or another, but of presenting an opinion in an objective manner. It seems that the retreat of patriarchy has not prevented female virginity from persisting in spite of mutations, it makes the symbolic (surgery, clothing) a means to defend itself against erasure and suppression. This observation invites us to look for the psychological significance of female virginity and the probable relationship between its desacralization and the appearance of new sexual orientations. 

      Keywords

female virginity

social changes

sexual orientation

homosexuality

single parenthood

Quelques mots à propos de :  Wahiba Guiraa Hatem

Pr. Wahiba Guiraa Hatem[1]أ.د. قيرع حاتم وهيبةUniversitéA/Mira de Bejaia, Algerie wahiba.hatem@univ-bejaia.dz
[1] Lauteur correspondant
 

Quelques mots à propos de :  Dahbia Dahmani

Dr. Dahbia Dahmaniد. ذهبية دحمانيUniversité A/Mira de Bejaia, Algeriedahbia.dahmani@univ-bejaia.dz

Introduction

Les études qui traitent du sujet de la femme et des questions qui en découlent, en particulier celle de la sexualité féminine, continuent, sans cesse, à agiter les esprits et les plumes au sein de plusieurs disciplines. Mobilisés par l’ambigüité du sujet et les interrogations qu’il charrie, les chercheurs y contribuent dans l’objectif d’enrichir ce champ. Leur but est, aussi, attaché à la possibilité de pouvoir répondre aux questionnements qui entourent les réactions des individus envers les thématiques relatives au sujet de la femme comme celle de la «virginité».

Depuis longtemps, la «virginité féminine» a été conçue comme phénomène corrélé à la culture arabo-musulmane. Il s’agit là d’une civilisation qui, depuis des millénaires se pose comme étant celle de l’«honneur» dont le respect assure la sécurité des individus et leur intégration dans le groupe(Chabib Zidani, F., 1992). Dans ce contexte, l’honneur est le synonyme d’un guide pour la conscience, c’est une valeur qui domine tous les actes essentiels de la vie sociale, c’est le cadre imaginaire selon lequel on définit, on juge et on condamne les conduites des individus.

Au cœur de cet édifice qu’on nomme l’«honneur», se situe la question de la «virginité féminine» comme valeur de toutes les valeurs. Il ne sagit pas dune propriété ou dun état personnel qui nimplique que la jeune fille. Mais, elle dépasse cette notion de personnalisation dans le sens de la continuité et du prolongement dun système de valeurs où lensemble de la famille se considère impliqué, et revendique la propriété et la protection (Zemmour, Z-E., 2002). En effet, les sociologues et les anthropologues parlent de la «virginité féminine» en termes de «tabou» dont la violation ne touche pas uniquement à l’image narcissique de la fille mais aussi, au capital symbolique familial. Dans ce sens, quand la «virginité féminine» est préservée c’est, en effet, l’instance déterminante de l’organisation sociale traditionnelle qui est défendue et, à travers elle, l’authenticité de la progéniture qui est assurée.

Au-delà de la sphère arabo-musulmane et le système patriarcal par lequel elle est dirigée, les littératures mentionnent la «virginité féminine» chez d’autres communautés. Dans son livre intitulé «la virginité féminine (mythe, fantasmes, émancipation)», Yvonne Knibiehler (2012) cite avec abondance des exemples sur des peuples qui ont considéré, voire idéalisé, la «virginité féminine». D’abord, l’auteure parle de la virginité «mythique» qui existait chez les grecs comme entité divine. À l’opposé des filles des humains qui perdent leur virginité le jour du mariage, les déesses vierges le sont à perpétuité.  En effet, le mythe fondé par les grecs, autour de cette question, veut que la virginité des déesses soit liée à leur immortalité (Knibiehler, Y., 2012).

Par ailleurs, l’auteure parle des communautés juives et chrétiennes qui ont idéalisé la virginité. Chez ces dernières, elle désigne le signe de pudeur. En effet, dès le début du christianisme, et pour diverses motivations, la pratique du renoncement à la sexualité s’est développée très rapidement. Il s’agit là d’un idéal de continence qui cristallise une aspiration fondamentale et constante chez les chrétiens hommes et femmes. De fait, la virginité n’est pas uniquement féminine, mais elle est également masculine. En effet, bien au-delà de la vertu morale, la virginité a été, dans la religion chrétienne, idéalisée comme la voie d’accès la plus directe à la sainteté(Knibiehler, Y., 2012).

Chez les hébreux, la virginité a fait aussi l’objet d’une grande importance. En effet, les hébreux ne font pas exception par rapport au régime patriarcal qui dominait durant l’antiquité. Pour des raisons liées à la filiation et à la protection de l’héritage matériel et moral, un juif se considère comme propriétaire de la femme et des enfants qu’elle met au monde. Dans cette mesure, il semble que l’importance qu’occupe la virginité féminine, chez les «hébreux», s’explique par les conditions de leur vie. C’est-à-dire qu’elle emprunte sa sacralisation à celle du cadre conjugal en tant que cadre légitime pour l’exercice de la sexualité. Dans cette condition, les corps doivent restés intacts jusqu’au jour du lien sacré(Knibiehler, Y., 2012).

Cependant, bien avant l’antiquité, la «virginité féminine» a aussi suscité des réactions diverses, voire contradictoires, de l’homme primitif. Dans son article intitulé «le tabou de la virginité» (1918), Freud avait ouvert des pistes nouvelles en rapportant comment certains peuples primitifs ont apprécié la virginité. Sous forme de «tabou», elle a été entourée de rites et de pratiques étranges qui traduisent la place importante qu’elle occupait. Deux attitudes sont rapportées par l’anthropologie ; la première tendance fait de la virginité féminine un sacrifice prénuptial privilégié, la suppression de l’hymen avant le mariage est un fait inéluctable pour le bien du futur mari. Dans la deuxième tendance, les coutumes veulent que la fille préserve sa virginité jusqu’au jour de mariage, il s’agit là d’un attribut exclusif de mari.

En effet, les rites et les ruses utilisés par les primitifs n’ont pas complètement disparus. Dans diverses régions du monde, les pratiques traditionnelles exercées, aujourd’hui, témoignent que la virginité féminine est un phénomène qui refuse la disparition. Bien au contraire, face aux changements vécus actuellement sur tous les niveaux, elle se perpétue à travers des nouvelles formes. Il semble qu’elle cherche des moyens pour s’adapter avec les nouvelles conditions exigées par le mode de vie moderne.  Le passage à la modernité a eu pour conséquence la sortie de la femme à la sphère du dehors, la «sphère masculine». Elle est, de ce fait moins contrôlée et sa présence en dehors de l’espace domestique là confronte à des menaces agissant directement sur son intégrité sociale, morale et physique. Il est devenu donc indispensable que le génie des mères ou de coucheuse traditionnelle cèdent la place aux personnes appartenant à ces nouvelles conditions.

À ce titre, le médecin gynécologue est devenu ainsi le centre d’un marché de la virginité : non seulement il fournit les preuves sous forme de «certificat», mais il répare également les hymens déchirés. D’autre part, les anthropologues, comme Lahouari Addi (1999), parlent des formes symboliques de la virginité féminine qui se donnent à voir à travers l’habillement des femmes. À ce titre, le «hidjab religieux» constitue, au-delà de sa dimension religieuse et idéologique, un substitutif de la clôture corporelle, et domestique, des femmes (Addi, L., 1999). C’est le moyen qui garantit la réconciliation entre les exigences de la tradition et les contraintes de la vie moderne (Addi, L., 1999). C’est alors en fonction de ces nouvelles circonstances que l’impératif de la chasteté préconjugale s’est trouvé réinvesti par d’autres voies issues du nouveau mode de vie influencé par la civilisation et la science.

Les modifications des attitudes envers la virginité féminine, ainsi que l’apparition des nouvelles formes de protection, coïncident avec les bouleversements et les dynamiques qui ont traversé les sociétés dans la deuxième moitié de XXème siècle. Les données économiques, idéologiques, politiques, de cette époque ont modifié profondément les conditions sociales définies par deux éléments : la structure sociale et les représentations sociales. En fait, les représentations des individus par rapport à la famille, aux liens sociaux et à la société en général ne sont plus les mêmes aussi, la structure de la société et ses composantes et les rôles qui en sont attribués sont modifiés. Dans cette mesure, la représentation de la femme n’est plus celle incarnée dans son corps, plus précisément, dans son «hymen». De même, sa virginité a perdu une part considérable de son importance dans un nombre de sociétés, occidentales en particulier. Les mutations sociales ont voulu que la femme se libère de son corps. Ce dernier, n’est plus la propriété de l’homme ou de la famille. Bien au-delà de la subordination dictée par le patriarcat, les nouvelles conditions ont donné à la femme la pleine liberté de jouir de son corps. Ces données nous invitent à nous interroger sur la relation entre le changement du statut de la femme, la dégradation de la valeur de son corps, et à travers lui celle de la virginité, et l’apparition des nouvelles formes de lien social?

La virginité et l’honneur du groupe

D’après les spécialistes, médecins gynécologues et légistes, interrogés concrètement ou à travers des littératures, l’absence de l’hymen, comme sa présence, ne constitue aucun danger ou maladie organique. Au-delà de ces dimensions, il paraît que le danger, réel ou symbolique, se pose sur le plan sociologique. À cet égard, la défloration de l’hymen d’une façon illicite remet en cause toute une gamme de soubassements préinstallée pour que la société puisse protéger son existence et assurer sa constance. Monique Gadant (1991), dans son étude intitulée «réflexion sur la valeur de la virginité (Algérie)», précise cette gamme de soubassements en trois éléments «La faute sexuelle, connue, et vécue comme une remise en cause grave du lien social, tout le rapport entre les sexes, et la supériorité du masculin sur le féminin» (Gadant, M., 1991). Cela s’applique notamment sur les sociétés d’appartenance culturelle orientale par ce qu’elles représentent du patriarcat envisagé par son hiérarchie asymétrique où les hommes occupent le pinacle de la pyramide sociale,  tandis que les femmes ne sont que des êtres de deuxième degré comme le signale Bouhdiba (1972) «le monde des femmes est un sous-monde dénué de sérieux et revêtu aisément de ce mépris qui donne au mâle la pleine et entière confiance en soi, en son savoir, en son vouloir, en son pouvoir…la personnalité féminine arabe est niée farouchement, systématiquement, irrémédiablement» (cité par Zidani, F., 1992). Même si cette expression comporte un certain degré d’exagération, cela ne l’empêche pas de dévoiler une part de la réalité vécue chaque jour même après plusieurs décennies d’indépendance et de révolte contre la marginalisation et l’exclusion des femmes. Dans certaines régions, la femme est encore dévalorisée, privée de ses droits économiques et civils, niée dans sa personnalité et dans son individualité. D’après cet auteur, la femme dans des pays comme l’Algérie est, encore, un sujet de préoccupation puisqu’elle porte en elle un élément de honte et un facteur de déshonneur familial, c’est sa «virginité» qui fait d’elle une charge encore plus lourde parce qu’elle est la garante d’un système complexe de valeurs organisatrices de la vie sociale.

Dans ce contexte, tout le monde se sent responsable. Au cri de l’honneur, tous les membres du groupe doivent obéir, c’est une affaire de tous. Pour Zemmour (2002) «La virginité de la jeune fille n’est pas considérée comme une propriété ou un état personnel qui n’implique que celle-ci. Elle dépasse cette notion de personnalisation dans le sens de la continuité et de prolongement d’un système de valeurs où l’ensemble de la famille se considère impliqué» (Zemmour, Z-D., 2002). Cela explique l’état de vigilance perpétuelle de la société qui se donne à voir à travers le contrôle, la surveillance, les soucis et les doutes à l’égard de la conduite de la fille ignorée et niée comme un être individuel, elle ne peut s’affirmer comme un «être» responsable que dans et à travers la famille à laquelle elle appartient, hors de cette famille, elle n’est point reconnue.

Dès la naissance de la fille jusqu’au jour de son mariage, l’arsenal des pratiques et des rituels qui l’entoure est considérable. D’abord, quand on parle de la virginité dans le contexte traditionnel, c’est une question qui impose au chercheur de parler indissociablement de la nuit de noces. Nous nous appuyons dans ce cas, sur nos propres observations, sur les discours des patientes et des patients reçus dans le cadre professionnel, ainsi que sur les littératures qui s’expriment en termes de rituels et de pratiques destinés à préserver le corps des filles.

Parmi les rituels les plus répandus, on cite celui de la «fermeture» et celui de l’«ouverture» qui reposent sur des ruses magiques. Ce type de rituel varie dune région à lautre voire dun moment à un autre. Ils existent particulièrement en Algérie et dans certains pays appartenant au territoire Maghrébin. Sur ce sujet, Barkahoum Ferhati (2007) a mené une recherche sur «les clôtures symboliques des Algériennes : la virginité ou l’honneur en question» dans l’objectif d’exposer les différents types de rituels de la fermeture symbolique mis en œuvre en Algérie et au Maghreb en général. Une de ces pratiques est celle répandue en Algérie sous le nom de R’bat qui désigne «l’action de nouer», la fille dans ce cas devient «marbouta» (fermée), il y a aussi le «Teskaf» qui signifie laction de fermer, il y a également le «Marquage» sur le corps et, enfin, le «Tasfih» utilisé en Tunisie et qui désigne laction daplatir ou de blinder. Sur ce dernier type, Ibtissem Ben dridi (2011) a réalisé une étude intitulée «Est-ce que ça marche ? À propos du Tasfih, rituel protecteur de la vertu des filles tunisiennes», le même rituel existait également dans l’occident du moyen âge sous l’appellation du rite de la «ferrure».

Dans d’autres coins du monde, particulièrement en Égypte, au soudan, en Afrique sub-saharienne, on trouve «l’excision» exercée dans le but d’abaisser ou d’éliminer le désir sexuel de la fille par la mutilation, complète ou partielle, des parties de son appareil génital.  À ce propos et selon le rapport de l’UNICEF paru en novembre 2005, on estime qu’entre 100 et 140 millions de fillettes et de femmes ont subi une mutilation sexuelle. Ces coutumes sont soit illégitimes et réfutées par la religion islamique, soit elles sont critiquées et jugées comme cruelles par les organisations qui défendent les droits des femmes. Malgré ça, elles subsistent encore aujourd’hui comme le refuge ultime pour ceux qui croient que la vertu féminine, et sociale, se concrétise par un corps féminin intact.

Toutes ces pratiques partagent le même objectif, la préparation de la fille au jour de son mariage. C’est un moment saturé de coutumes et de pratiques qui occasionnent le recours au rite pour ouvrir ce qui a été fermé par le rite aussi. Mais, l’ouverture des noces n’est pas seulement symbolique, elle est aussi corporelle. En effet, le jour du mariage représente le moment de la virginité affichée «La coutume la plus importante et la plus répandue consiste à prouver la virginité de la mariée en montrant, au lendemain des noces, des linges tâchés par le sang de la défloration» (Knibiehler, Y., 2012). C’est un moment d’exhibition de la preuve concrète et indéniable de la virginité, la preuve qui témoigne que l’honneur de la famille et du groupe est sauvé. C’est également un moment de «virilité» qui se confirme à travers la confirmation des performances nuptiales(Gadant, M., 1991).

Aujourd’hui, lorsque les moyens traditionnels font défaut, pour une raison ou pour une autre, le symbolique intervient par d’autres moyens. Le «certificat de virginité» délivré par un médecin constitue, dans ce cas, le substitut des ruses magiques. Il s’agit là d’un instrument inspiré des nouvelles conditions de la vie moderne. Dans d’autres cas, on fait recours à la réparation chirurgicale de l’hymen en vue de sauver l’honneur de la famille.

En fait, la diversité des rites et leur accommodation avec l’actualité, nous invitent à nous interroger sur la raison derrière laquelle la société s’est trouvée contrainte à édifier de tels moyens afin de protéger la virginité de ses filles? Dans la mesure où «quel que soit son but, social, magique ou religieux, le rite est toujours codifié» (Hanouti, K., 1999) ; quel est donc le sens réel du rite et pourquoi la tradition a fait de la virginité féminine le support qui garantit la persistance de ce qui se cache derrière ?

Les mutations égalitaires

Il est à noter que la question de la virginité n’est pas le fait exclusif des communautés éthiques berbères et arabes, elle n’est pas aussi l’exclusif des communautés musulmanes. Soit en matière de rituels ou celle de sanction, le phénomène de la virginité est, selon Germaine Trillion, typiquement méditerranéen. En fait, à l’heure actuelle, elle est encore maintenue parmi les populations musulmanes (cité par Zemmour, Z-D, 2002). Par contre, sa disparition chez les communautés chrétiennes a pris lieu dès le début de la deuxième partie du XXème  siècle.

À cette époque, le monde a vécu un changement radical dans les rôles et les rapports sociaux mobilisés par les mouvements «féministes». Ces mouvements, ont été aussi à l’origine d’une profonde révolution concernant le rapport social homme-femme qui voulait s’affranchir de siècles, voire de millénaires de patriarcat. Les féministes soutiennent que les hommes et les femmes doivent être égaux, socialement, économiquement et juridiquement (Matlin, M., 2007). Pour des raisons scientifiques ou politiques ou autres, ils revendiquaient l’égalité et la libération des femmes de la relation de dépendance déterminée par l’ancien système de patriarcat conçu comme un régime de pouvoir asymétrique et inégal entre les sexes. Cela a donné lieu à des bouleversements considérables, tant dans les mentalités des femmes que dans leur rôle professionnel, culturel, politique, social. Désormais, l’identité sexuelle n’est plus conçue comme signe d’une hiérarchie mais, s’exprime plutôt en termes de différences. Ainsi, les femmes ont acquis les mêmes droits civiques et partagent pleinement l’autorité parentale.

Suite à ces mouvements, les filles pouvaient enfin prendre pleine et entière possession de leur corps grâce à la voie libre de l’utilisation des contraceptifs qui ont changé de mains. Après des millénaires d’enfermement, la virginité se voit désacralisée mais pas entièrement disparue ou désactivée, particulièrement dans les sociétés où la séparation des sexes est la règle organisatrice des rapports sociaux, elle fait toujours l’objet d’une grande préoccupation mais pas suffisamment vigilante pour pouvoir protéger les individus du flux de la civilisation basée sur l’émancipation des femmes et la mixité dans les écoles, dans les lieux de travail et dans les lieux publics en donnant lieu à  des relations non déterminées. Il est important de signaler que, dans les pays conquis par l’islam, grâce à la tradition soutenue par la religion qui réfute toute relation sexuelle hors mariage, les répercussions sont moins ravageuses par rapport à celles dans les pays occidentaux. 

En termes purement statistiques, on trouve que les deux types de sociétés sont touchés par les répercussions néfastes de l’émancipation sexuelle. Mais, il semble que la société occidentale, faute d’une institution morale solide, est plus frappée par les périls des maladies sexuellement transmissibles comme le SIDA qui a causé la mort de 468000 Américains en 2001. En plus, la situation est plus sombre à l’échelle mondiale, en 2002, l’Organisation Mondiale de la Santé estimait qu’environ 42 millions de personnes dans le monde sont séropositives, et le taux des naissances illégitimes des mères adolescentes est renforcé par le nombre affreux des avortements (Matlin, M., 2007, p.350). Cela nous invite à réfléchir largement l’échec de la science qui, au nom de la civilisation, a inventé les multiples moyens afin de prévenir les grossesses non désirées et lutter contre les maladies sexuellement transmissibles, pourquoi elle ne peut qu’être sidérée face aux chiffres redoutables et grandissants des malades et des décès ?

L’humanité face à des nouvelles formes de liens sociaux

Après avoir atteint le droit à l’émancipation sexuelle, les mouvements revendiquant la liberté des femmes ont avancé leur attitude avec l’avènement des mouvements féministes homosexuels où les normes sexuelles et les rôles traditionnels assignés à chacun des deux sexes ont été fortement questionnés, une dynamique qui, à la fin des années soixante-dix, a amené les théoriciens féministes à développer une nouvelle culture poussant plus en avant le droit à l’orientation sexuelle en remettant en cause l’hétérosexualité comme institution au centre des rapports de domination des hommes sur les femmes. Leur principal apport est la remise en question du caractère universel de l’hétérosexualité comme modèle d’organisation des relations entre les deux sexes. Pour ainsi dire, toute la hiérarchie écologique des rapports sexuels liant les deux sexes est remise en question, et les règles fondamentales doivent être dorénavant révisées voire corrigées et remplacées par d’autres. Selon ces mouvements, l’hétérosexualité n’est qu’un phénomène façonné historiquement à travers les rapports sociaux. Cette nouvelle perspective renverse le statut de l’hétérosexualité conçue depuis toujours, avant même qu’elle soit mise dans le cadre d’un concept en 1869 par Karl Kertbeny, comme la norme «naturelle» alors que les autres formes de la sexualité sont perçues comme anormales.

En admettant la définition classique de la sexualité comme «comportement de reproduction», on constate que, l’institution des rapports humains a été gravement atteinte depuis la libération de l’homosexualité dans les pays occidentaux. L’atteinte a touché les repères ainsi que les règles les plus fondamentales. À ce propos, Susann Heenen-Wolf (2011) précise que «la reproduction n’a plus besoin de l’acte sexuel, et l’acte sexuel peut être dissocié de la reproduction»(Heenen-Wolf, S., 2011) ce qui a donné lieu à l’apparition de notions étranges appartenant, beaucoup plus, au monde artificiel tout en s’éloignant du monde naturel, citant : la fécondation in-vitro, la mère porteuse, l’utérus artificiel, et comme figure extrême de ce processus ; le «clonage». Ce qui donne l’impression d’un passage d’un mode de relations naturelles et humaines à un autre mode fondé sur la technique et le machinisme.

L’ébranlement des modèles traditionnels des rapports entre les deux sexes a cédé, relativement, la place à l’apparition des nouvelles formes de liens sociaux comme : l’homosexualité et la monoparentalité issues de la non différenciation entre les sexes et à l’effacement des limites déterminées par l’ancien modèle de la sociabilité. Ce phénomène est en croissance jour après jour, selon des recherches débutant dans les années 1950, le pourcentage de la population homosexuelle dans les pays occidentaux se situe entre 06% et 10%. En 2005, l’institut Français des études démographiques évalue entre 24 000 et 40 000 le nombre d’enfants élevés par des concubins homosexuels (Heenen-Wolff, S., 2011).

Par l’accroissement continu de ces chiffres, on constate qu’homme et femme ne sont plus aussi irrémédiablement renvoyés l’un à l’autre qu’auparavant et à la suite de cette dissociation, parent et enfant non plus (Heenen-Wolff, S., 2011), cela remet en question les identifications des enfants adoptifs et bouscule la thématique de l’orientation sexuelle et celle de la différence entre les sexes. Toutes ces données, nous contraignent à nous interroger sur l’avenir de la race et de la société humaine avec tout ce travail de destruction, mené par un «éros» désorienté de ses buts vitaux.

En effet, il semble que cette situation explique les chiffres élevés des victimes du SIDA, de dépression, de recours aux psychotropes et de tentatives de suicide entre les homosexuels estimés entre 6 et 16 fois plus élevés par rapport à la communauté hétérosexuelle selon des enquêtes faites en France, aux États-Unis ainsi qu’au Canada. Les chiffres aident aussi à mieux comprendre la situation dans la deuxième rive du monde où la tradition et la religion islamique régissent la vie quotidienne et constituent une enveloppe groupale protectrice. Généralement, dans ces sociétés, la pratique ou même le discours de la sexualité est limité et déterminé par des lois juridiques et religieuses, ce qui a consolidé et renforcé la position des institutions éducatives. Malgré ça, des pratiques en contradiction avec la tradition émergent et prennent parfois des proportions importantes.

D’une autre part, selon un sondage d’opinion intitulé «les Algériens et la sexualité» réalisé en juillet 2010 sur une population de 1200 personnes représentatives de la population algérienne de 18 ans et plus, dont 30% n’ont jamais eu une expérience sexuelle entendue, ici, au sens de tout rapport sexuel avec une autre personne hors mariage. Le sondage révèle que la proportion de la population des jeunes de 18-24 ans qui n’ont jamais eu d’expérience sexuelle est de 63% et parmi les 37% qui l’ont eu, on trouve 95% à l’avoir eu hors mariage, tandis que chez les personnes qui au moment du sondage ont 55 ans et plus, ils ne sont que 17% parmi les personnes qui ont eu une première expérience sexuelle à l’avoir eu hors mariage. Il est à noter aussi que le même sondage révèle que la proportion des femmes est aussi un phénomène qui a rencontré une évolution à travers les années, ainsi sur l’ensemble des femmes de 18 à 24 ans qui avaient déjà eu une expérience sexuelle, et qui constituaient donc 32% de la tranche d’âge, cette première expérience s’était déroulée hors mariage pour 80% d’entre elles. Un autre constat est que, même si la proportion des femmes qui ont eu une expérience sexuelle hors mariage tend à être de plus en plus importante parmi les tranches d’âge les plus jeunes, cette première expérience se limite à des attouchements ou des baisers dans la quasi-totalité des cas estimée à 97%.

Selon les résultats obtenus, on constate que les différences remarquées entres les proportions remettent en question les deux variables de génération et de sexe. Il semble que pour la première variable, les résultats prennent sens par rapport aux changements de contexte et de mutation sociologique, tandis que pour la variable sexe, il est évident que la civilisation n’a pas pu changer grand-chose, les femmes tiennent toujours à leur virginité, malgré les changements et les mutations sociologiques et économiques. À cet égard, Cœnen (2002) précise que «le corps de la femme est la matrice du corps social» (Cœnen, M-T., 2002), c’est par lui qu’on assure la continuation et la permanence de la société, ainsi que la pureté, l’authenticité et même la santé des individus.

Passant par la satisfaction sexuelle de l’homme à la maternité, le corps féminin s’impose comme un élément essentiel dans un ordre écologique qu’on doit respecter et protéger, cela s’exprime dans l’idéologie de la société traditionnelle qui fonde des rites et des mœurs pour se protéger des innovations susceptibles de détruire son ordre, voire son existence, renforcée par les lois juridiques dont les références citent 58 pays où l’homosexualité est sanctionnée par la peine de prison. Dans certains pays, l’homosexualité constitue un délit punissable par la peine de mort, quant à la monoparentalité elle n’est nullement permise. Toutes ces formes sont condamnées par la loi et la religion ce qui fait que le phénomène pousse dans le silence.  Ainsi, il est impossible d’effectuer des recherches sur ce sujet faute d’échantillons. Par contre, dans les sociétés occidentales, les recherches et les enquêtes, traitant le même sujet, s’effectuent d’une façon périodique par des instituts et des agences nationales avec la collaboration de l’État, comme celles élaborées en France, aux États-Unis ou au Canada, menées pour divers objectifs soit pour déclencher le signal d’alarme ou pour mesurer la prévalence du phénomène afin de pouvoir modifier les manuels diagnostiques (DSM), ou pour répondre aux sollicitations qui demandent plus de libertés et de droits à ces minorités qui grandissent jour après jour.

Méthode

Dans cet article, nous nous sommes étayées sur les résultats d’une recherche portant sur l’étude de l’impact de la défloration consentie sur l’enveloppe psychique de la fille célibataire. Pour ce faire, nous avons utilisé la méthode clinique dont l’importance réside dans sa capacité à approcher la conduite humaine en situation et en interaction tout en préservant sa subjectivité et sa complexité.

Dans cette méthode, la tendance dite «humaniste» permet une compréhension synchronique et diachronique de la personne, elle s’appuie sur une méthode qualitative fondée sur l’analyse du discours et donne une grande importance à l’exploration des «couches profondes» du psychisme, à «l’inconscient», à la «psychologie en profondeur» (Lagache, D. 1983) dont la notion des «enveloppes psychiques» fait partie.

 Ainsi, la méthode clinique semble la plus appropriée dans la mesure où elle propose des outils capables d’explorer le fonctionnement de l’enveloppe psychique et à travers lui la fonction de sexualisation. Ainsi, nous avons fait recours au test de Rorschach, en tant qu’ épreuve de limites par excellence, dont les résultats consolident ceux de l’entretien semi-directif composé d’une question préliminaire posée autour du «vécu psychique de la fille dune manière générale» ainsi que sept autres items en rapport direct avec les fonctions de lenveloppe psychique et portant les intitulés suivants : laxe des relations, l’axe  de l’autonomie, l’axe de l’unité et de solidité du Moi, l’axe de l’individuation, l’axe de la capacité du jugement, l’axe de la capacité de se contrôler, l’axe de la capacité à contenir le désir et la pulsion. Ces outils ont été appliqués sur un groupe de recherche constitué de six (06) filles non vierges sollicitées au niveau des bureaux de consultation psychologique. Ces filles sont toutes adultes et appartiennent à une tranche d’âge entre 28 et 38 ans. Les critères d’inclusion dans le groupe de recherche exigent la perte consentie de la virginité et excluent les filles violées, les filles mères et les mères célibataires. 

L’objectif de cette recherche consiste à étudier leffet de la défloration sur les fonctions de lenveloppe psychique dont la fonction de la «sexualisation».  En effet, cest cette fonction qui est responsable de laménagement de la vie sexuelle des individus ainsi que de leur orientation sexuelle, elle peut de ce fait nous renseigner sur la possibilité quune déviation sexuelle existe chez les filles qui ont perdu volontairement leur virginité comme forme de libération sexuelle.  Pour pouvoir lexaminer, nous nous sommes étayés sur la définition de Didier Anzieu (1995) qui précise que «le Moi-peau remplit la fonction de surface de soutien de l’excitation sexuelle, surface sur laquelle, en cas de développement normal, des zones érogènes peuvent êtres localisées, la différence des sexes reconçues et leur complémentarité désirée» (Anzieu, D., 1995). Dans cette définition, l’auteur évoque trois indices qui nous aident à évaluer l’état de la fonction de sexualisation chez les sujets de cette recherche : la capacité à localiser les zones érogènes, la capacité à faire la différence des sexes, la capacité à reconnaître la complémentarité entre les sexes.

Résultats et discussion

D’après l’analyse des entretiens semi-directifs et celle des protocoles du Rorschach, on constate que les six (06) filles présentent des difficultés dans la fonction de sexualisation qui est censée assurer la localisation des zones érogènes, la reconnaissance des différences entre les sexes ainsi que le désir de leur complémentarité (Anzieu, D., 1995) qui se résument dans l’orientation sexuelle conforme. Sur cette base de données, il semble que l’enveloppe psychique du cas n° 01 est gravement défaillante dans la mesure où son fonctionnement s’inscrit dans le registre de somatisation. Cette donnée empêche l’émergence claire de la tendance sexuelle de cette fille. Par contre, l’analyse du protocole de Rorschach met en évidence la défaillance de la fonction de sexualisation en particulier dans la planche III où la problématique phallique est clairement révélée à travers la réponse «Ils ressemblent à deux êtres humains, leur forme ressemble à celle des humains mais leurs bouches ressemblent à celles des oiseaux», le «bec» saillant au niveau d’une zone érotique, «la bouche»,  peut être synonyme de pénis qui est le substitut masculin du «vagin» féminin. À ce titre, il faut noter que Jaques Andrée accorde à la bouche et au vagin les mêmes caractéristiques. Pour le cas n° 2, la déviation de l’identité sexuelle est clairement dévoilée à travers l’analyse de l’entretien. La fille se prend pour un homme et se permet de s’identifier aux comportements masculins à plusieurs reprises par exemple : lors de l’enterrement de son père, elle choisit de partir au cimetière avec les hommes au lieu de rester à la maison avec les femmes. L’analyse de Rorschach de ce cas permet de détecter le refus de cette fille de se reconnaître comme femme au féminin. Dans la planche N° III qui met surtout l’accent sur la capacité d’identification sexuelle, on remarque que cette fille évite la perspective globale, puis elle évite la grande kinesthésie K et, enfin, elle passe à côté de la perception d’une image humaine entière H en produisant une réponse Hd. Il s’agit là d’une attitude rigide qui sert à dissimuler son refus de sa réalité comme femme, cela s’exprime à travers sa réponse floue «c’est un visage non?...visage d’un être humain.» puis, dans l’enquête où elle précise «à partir de sa bouche, j’ai vu un visage parce qu’il a une bouche». En effet, dans la psychanalyse, la «bouche» est toujours appréhendée comme le substitut du «vagin» et cela explique l’évitement de s’impliquer dans une perception humaine entière (H) qui réactive son conflit identificatoire dans lequel elle se sent, selon Chabert (1983), tiraillée entre des tendances contradictoires sans possibilité de résolution de ce déchirement interne. Concernant le cas n° 03, la déviation de la fonction de sexualisation est repérée à travers la tendance active de la fille. Pour Freud, la tendance active constitue une caractéristique purement masculine contre la tendance passive considérée comme féminine. Il est de même dans l’expression «je sens que je suis femme et homme à la fois» où il y a, d’une part, une évocation de la tendance bisexuelle, et de l’autre, cette expression exprime l’incapacité de se distinguer comme femme différenciée par rapport à l’autre sexe. Pour le test du Rorschach, dans la planche N° VII qui, sur le plan identificatoire, permet au sujet de se situer par rapport à un modèle féminin, la réponse de notre cas comprend un indice qui fait allusion à l’organe sexuel masculin symbolisé dans «une trompe d’un éléphant» comme réaction d’opposition et de refus par rapport à sa réalité féminine. Pour le cas n° 04, la seule relation qu’elle entretient est avec son oncle, elle a un penchant pour les films d’horreur, au dernier paragraphe elle s’est identifiée à ses sœurs, elle a évoqué son rêve d’avoir des enfants et une famille sans parler de mari. En effet, ces données rendent la détermination de la tendance sexuelle embrouillée. Par contre, le protocole du Rorschach et en particulier la réponse à la planche N° VII comprend un indice renvoyant au symbolisme masculin, «un ver», comme réaction d’opposition et de refus par rapport à sa réalité féminine notamment que cette planche permet au sujet de se situer par rapport à un modèle féminin. Pour le cas n° 05, le vide ressenti au niveau des seins et la honte qui s’en suit peut traduire un problème dans l’identité sexuelle chez elle, d’autant plus que les seins représentent des organes sexuels féminins. C’est-à-dire que le vide et la honte qu’elle ressent peut symboliser la honte du manque féminin qui peut traduire un refus de sa réalité féminine. Le Rorschach de cette fille comporte deux indices frappants dans la planche N° III, «c’est un chat ; sa queue est longue», « Le sabot à un talon».  En effet, le caractère bisexuel de la planche N° III a permis à cette fille de faire son choix identificatoire qui semble aller vers le volet masculin plutôt que le volet féminin. Par contre, la réponse à la planche N° VI contient encore une fois, un passage conflictuel en rapport avec l’identité sexuelle de cette fille dont la réponse bascule entre les indices masculins «Moustaches d’un loup» et les indices féminins « fleur». Pour le cas n° 06, le discours ne comprend pas de signes sur une déviation sexuelle. Mais l’analyse du Rorschach montre que les réponses aux planches III et VI sont plutôt porteuses de symbolisme sexuel en mettant à l’épreuve des potentiels d’identification sexuelle chez le sujet. À cet égard, les réponses fragmentaires (Hd), aux planches III et VI, sont liées, selon Chabert (1983), au refoulement des représentations sexuelles. Le refus de la féminité est bien déterminé dans la réponse «une fleur à l’envers». Pour Chabert, la réponse «fleur» est l’exemple le plus répondu du symbolisme sexuel féminin. Dans la réponse de notre cas, on constate que le symbolisme féminin est appréhendé à lenvers en donnant lieu à la perception dune autre représentation issue du refus de la représentation féminine, cette réponse vient directement après une réponse à valence sexuelle masculine «ceux-là sont des moustaches».

Par ailleurs, ce qui est frappant dans les discours est bien l’absence totale de l’image maternelle. Nous avons constaté que cinq cas sur six évoquent des images masculinisées, de père en général, tout en niant les images féminines. Parmi les cinq sujets, trois ont évoqué le père comme cible d’hostilité et de critique. À ce titre Freud (1936) précise que la fillette, quand elle découvre son désavantage, ne se résigne pas facilement : au contraire, longtemps encore elle espère se trouver un jour pourvue d’un pénis et cet espoir persiste parfois très tardivement. Quand enfin la connaissance de la réalité lui a fait perdre toute espérance de voir se réaliser son désir, l’analyse montre encore que ce dernier est demeuré vivace dans l’inconscient et qu’il conserve toujours une charge énergétique notable (Freud, S., 1936). Freud ajoute que, dans toutes les attitudes pulsionnelles pathologiques, par exemple dans toutes les perversions sexuelles, il y a lieu de se demander quels rôles sont respectivement attribuables d’une part à la puissance des fixations infantiles précoces et, d’autre part, à l’influence des événements et des évolutions ultérieurs.

Dans le même ordre d’idées, Freud avance que l’expérience analytique révèle que l’homosexualité féminine est rarement la prolongation en ligne droite de la virilité infantile. Il semble que ces fillettes aient, elles aussi, pendant un certain temps, pris leur père pour objet et adopté l’attitude œdipienne. Plus tard les inévitables déceptions qu’elles subissent du fait du père les poussent à régresser vers l’ancien complexe de virilité (Freud, S., 1936).

De , on peut dire que ces données apportent une réponse aux questions de notre travail et montrent que la virginité féminine ne constitue pas uniquement un élément corporel mais, plus important encore, elle est d’une importance psychique considérable. Le recul du rôle du père, la dégradation de la valeur du corps féminin, et à travers lui la valeur de la virginité, peuvent, d’après les résultats obtenus dans cette recherche, conduire à la défaillance de la fonction de sexualisation et, à travers elle, à l’apparition des nouvelles formes de lien social comme l’homosexualité féminine.

Conclusion

On peut conclure que la défaillance ou, au moins, l’incapacité de la fonction de sexualisation à accomplir son rôle chez les sujets de notre groupe de recherche peut être le résultat de la perte d’une partie du corps dans la mesure où cette perte n’est pas uniquement corporelle mais, elle est aussi psychique puisqu’elle constitue la première expérience sexuelle dans la vie de la fille. Dans ce sens, il semble que cette expérience suppose la présence de conditions spécifiques dont le rôle est déterminant pour l’accomplissement normal du développement psychosexuel de l’individu, fille ou garçon. En d’autres termes, la défaillance de la fonction de sexualisation peut être aussi l’expression des facteurs externes configurés dans la déception endurée à la fille par le père dont le rôle, dans ce cas, est plutôt celui d’un privatif que celui d’un donneur.

Il est important de signaler que l’analyse des entretiens avec nos sujets a permis de constater que l’enveloppe familiale et, en particulier, l’image paternelle sont, soit totalement absentes, ou négativement présentes. C’est-à-dire que, la famille de ces filles n’assure pas une contenance suffisante pour elles. Par rapport à l’ancien modèle social, on remarque actuellement que le rôle du père recule en laissant, de ce fait, une faille dans la vie de la fille qui se retrouve forcée à le combler toute seule. Nous proposons dans ce cas d’explorer l’importance de l’enveloppe familiale, et l’image paternelle en particulier, dans la vie de la fille célibataire.

Les résultats obtenus dans cette recherche nous invitent aussi à nous interroger sur la possibilité de les généraliser à d’autres sujets qui appartiennent à d’autres cultures. En effet, la psychanalyse suppose que le fonctionnement psychique est universel, c’est-à-dire que nous avons tous un appareil psychique qui se compose des mêmes instances et qui fonctionne selon les mêmes principes. Ainsi, cela ouvrira la voie devant d’autres recherches comparatives sur différentes populations dans différents contextes.

 

Références

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@pour_citer_ce_document

Wahiba Guiraa Hatem / Dahbia Dahmani, «La désacralisation de la virginité féminine : L’orientation sexuelle en question»

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Papier : ص ص 326-335,
Date Publication Sur Papier : 2022-12-07,
Date Pulication Electronique : 2022-12-07,
mis a jour le : 07/12/2022,
URL : https://revues.univ-setif2.dz:443/revue/index.php?id=9209.