Vêtements et coiffures des femmes dionysiaques à travers des mosaïques de Cuicul et SitifisCostume and hairstyles of Menadic women through mosaicsof Cuicul and Sitifis
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Vêtements et coiffures des femmes dionysiaques à travers des mosaïques de Cuicul et Sitifis
Costume and hairstyles of Menadic women through mosaicsof Cuicul and Sitifis
p p 75-83
Date de réception : 2019-10-01 Date d’acceptation : 2020-04-30

Nedjma Serradj-Remili
  • resume:Ar
  • resume
  • Abstract
  • Auteurs
  • TEXTE INTEGRAL
  • Bibliographie

لم تنظر الدراسات المتعلقة بالتبليطات الفسيفسائية بشمال افريقيا ولا في باقي الإمبراطورية الرومانية الى الأزياء النسوية الظاهرة عليها نظرة دقيقة تجعل منها مؤشّرا هاما لقواعد اللباس المتداول خلال الفترة الرومانية. اهتم أغلب الباحثين بعنصر الزيّ بينما اقتصرت التسريحات على مجرد أوصاف موجزة للأقمشة والألوان وأحيانا الأكسسوارات دون أيّ تحليل تنميطي أو تاريخي أو اجتماعي أو ثقافي أو ديني...من جهة أخرى نلاحظ اعتماد جلّ الباحثين والمؤرخّين اللذين اهتموّا بموضوع اللباس القديم (الإغريقي والروماني) على النحت التمثالي بالدرجة الأولى يليه النحت البارز والأنصاب فالرسومات على الفخاريات الإغريقية دون منح الفسيفساء الأهمية المستحقة. دفعتنا هذه الوضعية الى خوض ميدان جديد في البحث الأثري الإيكنوغرافي في إطار مشروع خاص بدراسة اللباس النسوي والتسريحات من خلال فسيفساء شمال افريقيا وفي هذا المقال سنتطرّق الى نوع معيّن من التبليطات ذات المواضيع الميتولوجية. ولهذا اخترنا عيّنة من لوحات تصويرية ديونيزية مكتشفة بمقاطعتي موريطانيا القيصرية (قيصرية) وموريطانيا السطيفية (سطيفيس) وسنحاول تسليط الأضواء على العناصر الهامة التي تساعدنا على تحليل الأزياء والتسريحات النسوية للمرحلة المتراوحة بين القرن الثالث والقرن الرابع ميلادي.

الكلمات المفاتيح

 رفيقة ديونيزوس-كاهنة باخوس-النمفات-التونيك-الخيتون

Les études consacrées aux mosaïques Nord Africaines ne se sont généralement pas intéresséesau costume en tant qu’élément indicateur des codes vestimentaires en usage à l’époque romaine. Elles ont plutôt porté sur la description des étoffes, des couleurs et accessoires sans, pour autant, les replacer dans leur contexte typologique et historique. D’un autre côté, les chercheurs qui ont étudié le vêtement dans l’antiquité se sont davantage focaliséssur la statuaire et les bas-reliefs pour le costume Grec en excluant la mosaïque. Cet état des connaissances a attisé ma curiosité me poussant à parcourir les tableaux quasi « vivants » que représentent les pavements Africains du Haut- Empire au Bas- Empire, dans le but d’analyser l’habillement des personnages féminins.

Ce premier article traitera donc de deux mosaïques relatives à la mythologie gréco-romaine et plus particulièrement à la légende dionysiaque dans en vuede mettre en évidence des éléments importants dans l’analyse du costume et de la coiffure féminine antique représentés sur ces pavements.

Mots-clés :Ménade, Nymphe, Bacchante, Tunique, Palla

Studies of North African mosaics have generally not been interested in costume as an indicator of ancient dress codes. These have focused more on the description of fabrics, colors, accessories without always placing them in their typological and historical context. On the other hand, scholars who studied clothing in antiquity used the iconographic supports of statuary, low reliefs, and Greek vases for the Greek and Roman costume excluding mosaics.Through a sampling of dionysiac pavements coming from two cities of the province of Mauretania (Caesarea end Sitifis), we expect to highlight important elements in the analysis of ancient female costume and hairstyle represented in mythological scenes.

Keywords: Maenad, Bacchante, Nymph, Tunic, ChitonMaenad, Bacchante, Nymph, Tunic, Chiton

Quelques mots à propos de :  Nedjma Serradj-Remili

Université Alger 2.nedjmaser@hotmail.com

Introduction

Je commencerai par cette phrase d’Anastasia Serghidou 1dans son écrit intitulé vêtements et preuves chez Hérodote qui révèle parfaitement toutes les lectures possibles que peut offrir une tenue vestimentaire :

« [….] Habits en totalité, habits fragmentaires, ils signifient, agissent, présentifient, cachent ou dévoilent, construisant ainsi un lien par lequel les faits se disent en « étoffe » […] »

Le vêtement antique reflète un aspect fort intéressant des mœurs en vigueur à l’époque et tout autantrévélateur de l’esprit d’une civilisation. En effet, la personnalité s’exprime à travers l’ordonnance d’un drapé, tout comme se manifeste la catégorie sociale par la présence (ou l’absence) du raffinement, de la délicatesse et de l’ornement de l’étoffe.

  Ces dernières années, il y’a eu d’intéressantes recherches et études sur le vêtement antique 2basées sur les statues et bas- reliefs, les céramiques Grecques peintes et quelquefois les fresques. Pour ce qui est de la mosaïque, à ma connaissance, on s’est très peu intéressé à faire parler les étoffes et les multiples draperies figurées par les mosaïstes, si ce n’est pour des descriptions basiques des couleurs et des longueurs des robes. Ceci a attisé ma curiosité et m’a poussé à entamer une recherche dans ce vaste domaine que je découvre si simple et si complexe en même temps ; tant il est,parfois,difficile de nommer un vêtement ou de différencier la fin d’un drapé grec du début d’un drapé romain !

Cet article n’est que le début d’une étude sur le costume féminin à travers les mosaïques romano- africaines, dont deux pavements que nous présentons dans le présent travail, provenantde colonies fondées par Nerva, situées à une cinquantaine de kilomètres l’une de l’autre, la première en Numidie « Cuicul » etla secondeen Maurétanie Sétifienne «  Sitifis ». Le point commun entre les deux pavements, en plus du domaine de la mythologie à laquelle ils appartiennent, est l’ambiance dionysiaque dans laquelle ils baignent tous deux, même si un siècle les sépare.

Figure N° 1.Mosaïque dionysiaque de Cuicul-Djemila.    Source : Serradj.N

1. La mosaïque dionysiaque de Cuicul (Figure 1) :

Elle ornait dans une riche domus (maison de Bacchus),du IIe s AP J.-C.,le sol d’une grande salle dotée d’une alcôve à abside-fontaine qui serait probablement un symposium ; c’est-à-dire un local ou se réunissaient les fidèles et les initiés au culte bachique autour d’un banquet dionysiaque3.

La mosaïque se distingue d’abord par l’originalité de sa construction d’ensemble, qui reproduit au sol l’aspect d’une décoration de voûte à quatre pans. Cela fait que l’onne peut embrasser le pavement d’un seul regard, la lecture devant se faire par circumambulation. L’enfance de Dionysos occupe deux côtés et sur les deux autres côtés deux scènes rituelles, et au centre la scène du châtiment de Lycurgue.

Les scènes (représentant des femmes) qui nous intéressent, dans cette présente étude,sont quatre en plus des quatre victoires qui décorent les angles du pavement :


Figure N° 2 :Détail Scène d’allaitement

Source : Serradj. N

1.1. Scène de l’allaitement de Dionysos (Figure 2) :

Cette représentation qui a été jugée unique en mosaïque met en scène les personnages féminins suivants :

1.1.1. La nymphe nourricière Nysa :La première à partir de la gauche décrite par Leschi 4de la manière suivante : « […]elle est vêtue d’une longue robe verte bordée de jaune, et sous la robe, une tunique transparente dont une épaulette tombe[…] ».

Il s’agit probablement d’un chiton vert ou d’une tunique talaire tunicatalaris ornée d’un bord jaune recouvert d’un himation grec qui est l’équivalent de la palla romaine et que Leschi ne mentionne pas. La tunique transparente sous la robe évoquée par ce dernier pourrait correspondre à la Tunicainteriorou la à Subucula, que les femmes Grecques et Romaines portaient parfois sous la tunique de dessus.

La tunique talaire est colorée en ce vert de mer cité par Plaute5et par Ovide6quand il dit « […]qu’il imite le reflet des eaux et que les nymphes en semblent revêtues[…] ». Ce serait donc la couleur qui symboliserait les nymphes et il se trouve qu’on a ici une nymphe ! Pourrions-nous envisager dès lors une culture littéraire raffinée chez le maître Pictor ou le commanditaire ?

L’étoffe de la robe semble légère et brillante, elle souligne avec subtilité le haut des cuisses et les jambes comme le ferait un tissu soyeux et on le sait,les femmes à l’époque romaine ont préféré le coton puis la soie à la laine et au lin. Au IIIe siècle, les vêtements de demi-soie sont très à la mode (la soie de Chine étaitmélangée à du lin et à du coton pour obtenir un tissuplus léger que la lourde soie chinoise que l’on pouvaitteindre en de nombreuses couleurs)7.

Cette image de la nymphe nourricière qui allaite l’enfant Dionysos nous rappelle la description de la statuette de la nymphe Nysa telle qu’elle fut présentée dans le cortège des Ptolemaia d’Alexandrie chez Athénéede Naucratis(V.198) : « […] vêtue d’un chiton jaune brodé d’or et d’un himation laconien […] ».  Àla différence duchiton de la nymphe de Djemila, qui lui ne parait pas brodé d’or,l’himation dont on ne voit qu’un mince pan (vu la position assise de la nymphe portant l’enfant sur ses genoux) ne nous permet pas d’identifier sa typologie ni d’ailleurs de vérifier si le chiton est ceinturé à la taille ou plus haut.

La coiffure est des plus simples ;les cheveux sont dénoués et tombent librement sur les épaules.

1.1.2. La muse « Polymnie » (?) :

Leschi8la compare à la muse Polymnia sur la base de sa posture et de son costume,car il se trouve que les muses sont souvent associées aux nymphes dans les récits de l’enfance de Dionysos. Elles présidaient à l’éducation du dieu, ce qui expliquerait la présence de l’une d’elles dans la grotte des nymphes figurée à Djemila. Il décrit sa tenue ainsi : « […]elle est vêtue d’une longue robe rouge qui descend jusqu’aux pieds et que recouvre une sorte de grand manteau jaune bordé d’une bande verte. L’étoffe de la robe apparait sous le manteau par transparence[…] ».

Ici, nous avons,une fois de plus,une tunique talaire sans manches longues, teintée en rouge (peut-être est-ce le rouge cerasinus citée par Plaute?)recouverte d’une palla bicolore en jaune-safran (couleur mentionnée par Plaute sous la dénomination de crocotula) et vert, assez large, comme le montrent les plis visibles sur le côté gauche que l’on peut voir et qui doit respecter la longueur exigée chez les romaines (9coudées), celaoffrait une grande variété d’ajustement du drapé.

 La muse arbore une coiffure mythologique dite « à la Venus » avec la chevelure en haut chignon ceinte d’une bandelette blanche.

Cette scène se rapproche d’une peinture de la Farnésine datée de 20Av. J.-C.qui représente la toilette du nourrisson couronné par une nymphe avec une couronne semblable à celle que tient la muse de Cuicul. D’ailleurs, la mosaïque de Djemila a été traitée avec un effet pictural très classicisant.

2. Scène de l’initiation au domptage des fauves : (Figure 3)

Figure N° 3 : Détail Domptage des fauves

Source : Serradj. N

Elle comprend les personnages féminins suivants :

2.1. La nymphe Mystis :

Elle apparaît ici dans son rôle d’éducatrice de l’enfant dieu. Leschi dit qu’« […] elleporte une longue robe verte et sous elle une tunique transparente agrafée sur les épaules[…] ».9Vu le drapé du manteau apparent sur l’épaule gauche, il est plus vraisemblable que la nymphe soit vêtue non pas d’une robe mais d’une large palla à repli (tablier triangulaire) de couleur vert amande (couleur conseillée par Ovide pour rehausser le teint des femmes sous l’appellation d’amygdala) et qui retombe du côté droit. La tigresse montée par l’enfant Dionysos ne laisse pas voir si le manteau est doté d’une ceinture cachée comme c’est souvent le cas dans les draperies romaines ou apparente.Je pencherais plutôt pour une ceinture dissimulée comme dans l’himation drapé selon le type IV établi par Jules Repond10,représenté par une statue de Thémisde Chairestratos.

 EnDessous, Mystis porte un chiton ionien / tunica dans un vert-gris transparent qui lui découvre l’épaule et le sein droit cousue ou agrafée par un seul point sur les épaules. Dans la réalité, une femme respectable ne se découvrait pas ainsi le sein, cela était réservé aux femmes mythologiques comme les amazones et les ménades, dans le cas présent,nous avons affaire à une nymphe (sans oublierla première nymphe Nysa vue plus haut,dont le sein dénudé seraitjustifié par l’action de l’allaitement).

Ses cheveux tombent sur les épaules et elle porte une couronne haute devant, en bandeau multicolore orné d’un feuillage vert et jaune. C’est sans doute la mitra dionysiaque, signe qui indique qu’elle est déjà initiée aux mystères dionysiaques.

3. Scène de l’initiation aux mystères dionysiaques : (Figure 4)

Figure N° 4 : Détail Scène d’initiation

Source : Serradj. N

3.1. La femme initiée (?) :

Leschi dit qu’elle est « […] vêtue d’une robe jaune pâle, recouverte d’un grand manteau gris qui la drape jusqu’aux pieds, ses bras sortent de longues manches[…] ».11

À mon avis, la femme assise qui contemple la scène avec une expression pensive porterait trois pièces qui sont :d’abord,une tunique intérieure tunicaintima qui semble être taillée dans une fine étoffe transparente teintée en jaune-verdâtre, par-dessus,on y voit soit un chiton,soit une tunique de dessusde lamême couleur,mais dans un vert plus foncé à longues et larges manches (peut-être à crevées).La femme s’est,ensuite,enveloppée dans un large manteau « palla » vert assez souple pour souligner la cuisse droite, la lacinia de la palla est ramenée sur l’épaule gauche et sur le bras gauche pour retomber en plis droits jusqu’au sol, ce qui pourrait correspondre au type IV déjà observé précédemment pour la nymphe Mystis

La coiffure est en chignon très haut et la chevelure est traversée de bandelettes en jaune pâle.

Leschi a envisagé que cette femme représenterait Déméter en se basant sur la ciste qu’elle tient,sursa position assise et son expression affligée. Personnellement, je me demande s’il ne faut pas plutôt la rapprocher de la domina méditant sur sa vie dansla fameuse fresque de la villa des mystères à Pompéi12, assistantaux rituels d’initiation,assise en observatrice et probablement en initiée avec le même regard pensif.

3.1.1. La candidate à l’initiation :

Leschi la décrit ainsi : « […]vêtue d’une longue tunique rouge sombre descendant jusqu’à mi jambes et retenue à hauteur des cuisses par une ceinture qui la fait bouffer. Le haut du corps est couvert d’une pièce de vêtement verte tachetée de sombre qui semble-t-il se gonfle derrière les épaules, nouée autour de la taille comme une ceinture, les plis tumultueux du vêtement qui se relève découvrant la jambe droite[…] ».13

Elle semble arborer soit un chiton à repli à colpos, soit une tunique qui se rapproche beaucoup du peplos à forme attique avec repli long et ceinture sous-jacente (comme la statue d’Artémisd’Aricciaau musée des thermes de Rome). Le colpos est bien visible, il forme un bourrelet de plis bouffants et descend jusqu’aux cuisses. On note aussi le retroussis de la tunica qui dévoile la jambe droite et la naissance de la cuisse et qui confirme bien qu’en dépit dela ceinture cingulum, le chiton gênait la marche de ses plis. Aussi,les femmes pouvaient le retrousser en un paquet fixé à la ceinture par devant. On peut voir un retroussis analogue au-dessous d’un colpos chez la ménade de la mosaïque des saisons de Volubilis14. On y voit également une écharpe qui s’envole mais elle n’est pas attachée autour de la taille en ceinture comme à Djemila, oùelle porte aussi une écharpe verte qu’elle a nouée autour de la taille en ceinture et qui rappelle un peu le « strophium » porté quelquefois sur la tunique en écharpe enroulée et serrée sous la poitrine.

La coiffure est la même que celle de l’initiée en haut chignon ceint d’une bandelette blanche.

Une ancienne étude de la mosaïque 15a identifié cette femme comme une démone ailée la comparant à celle de la fresque de la villa des mystères, sur la base de l’extrémité de trois rémiges vuesdu côté de l’épaule droite, l’autre étant détruite.

3.1.2. L’initiante / la phallophore (porteuse du phallus sacré) :

« […] .le haut du corps est vêtu d’une tunique verte et les jambes drapées dans un vêtement rouge qui s’étend parterre […] ».16

Leschi ne nous renseigne guère sur le type de robe de l’initiante et les lacunes de la mosaïque à cet endroit nous laissent juste supposer une tunique / chiton ionien vert-gris (galbinus chez Plaute) sans manches agrafé ou cousu aux épaules, accompagné d’un manteau beige qui recouvre le genou et la jambe gauche.

Elle porte descheveux assez courts défaits, ce qui est fort rare et la tête est ceinte d’une couronne de feuillages. Ànoter que la mode des cheveux courts maintenus par un bandeau d’étoffe ou de métal était déjà en vogueà Athènes au Ve Av. J.-C.17.

4. Ambrosia (Figure 5) :

Devant la scène du meurtre de la nymphe Ambrosia par Lycurgue, nous sommes face à un « dévêtir » plus qu’à un vêtement dont il ne reste qu’une partie de couleur bleueenroulée autour de la jambe gauche (la tunique ou la palla). À cela s’ajoute unepartie du manteau qui s’arrondit derrière elle et qui parait bicolore (jaune et bleu). Le nu d’Ambrosia est dépourvude toute connotation sexuelle que l’on retrouve chez les ménades ou les nymphes, ilrecèle plutôt une connotation magique (la transformation en vigne) et menaçante (le meurtre de la nymphe).

Figure N° 5. Le Châtiment de Lycurgue

Source : Serradj. N

 

5. Victoire en haut à droite (Figure 1) :

Elle est figurée en amazone, à moitié nue, excepté une palla transparente qui lui couvre le bas du corps avec ceinture et dont l’extrémité vient reposer sur la saignée du bras gauche. On retrouve l’himation complet chez la victoire d’Olympie sculptée par Paionios (au musée d’Olympie).

6. Victoire en bas à gauche :

Son drapé se rapproche de celui de la divinité Fortune avec la palla qui lui couvre le bas du corps.

7. Victoire en haut à gauche :

En chiton à colpos découvrant le sein droit avec ceinture et écharpe nouée autour de la taille.

8. Victoire en bas à droite :

En chiton à colpos long arrivant à mis jambes et découvrant le sein droit avec une écharpe qui flotte des deux côtés vers l’arrière. Elle nous rappelle beaucoup le type de Niké de Samothrace.

Les quatre victoires s’apparentent au type de Niké en vol aux ailes déployées connu par les statues en marbre et bronze de l’époquehellénistique comme celle du musée de Cirta.

2. Mosaïque de Sitifis de gauche à droite (Figure 6) :

2.1. Ménade possédée :

Blanchard-Lemée18ne décrit pas le costume de cette ménade dans son étude de la mosaïque. Je propose d’yvoir un chiton à colpos taillé dans un tissu fluide en dégradé de bleu et jaune qui descend jusqu’aux pieds et dont l’épaulette droite tombe et découvre l’épaule. La particularité de ce chiton est qu’il est fendu du côté droit laissant largement apparaître la cuisse et la jambe droite. Cela n’est pas sans nous rappeler le chiton des femmes spartiates qui était cousu uniquement du côté gauche, la fente avait pour but de laisser plus de liberté aux mouvements et justement la ménade était en plein danse. On peut observer deux autres ménades dont la cuisse droite est également largement découverte.  La première sur « la mosaïque du Thiase Bachique »19d’El Jem (antique Thysdrus) dans la province de la Byzacène côtière en Tunisie. La seconde,sur « la mosaïque de Dionysos et les quatre saisons » de Volubilis, en Maurétanie Tingitane au Maroc20.

La tunique est ceinturée sous les seins par un zona. Un manteau gris s’envole en arrondi derrière marquant le mouvement de danse ou de course.La ménade porte les emblèmes ménadiques (thyrse, tympanon) et unemitra qui ceint sa longue chevelure tombant librement derrière.

Figure n° 6 : Triomphe Indien de Dionysos. Mosaïque de Sétif Source : Malek.A A

 

2.2. Victoire ailée :

Elle est nue à l’exception de la palla gris-bleue sur son épaule gauche.

2.3. La liknophore (porteuse du liknon) :

Elle arbore une tunique talaire à manches courtes et à ceinture haute au-dessous des seins, l’épaule droite est découverte. On note une manche assez longue du côté du bras gauche qui appartiendrait à une tunique intérieure, mais pas du côté de l’autre bras,Est-ce une erreur du mosaïste ?

Elle estcoifféeà la mode Sévérienne (fin IIIe) à la JuliaMamaea(mère de SévèreAlexandre) (Figure 7) ou comme Otacilia (épouse de Philipel’Arabe) (Figure 8). Les cheveux sont finement crantés en bandeaux plats jusqu’à la nuque et devaient finir par derrière en un chignon plat.

 

 

 

 

 

 

Figure n° 7. Julia Mamaea Source: www.pinterest.com

 

Figure n° 8 :Otacilia Severa Source :www.pinterest.com

 2.4. Ménade blonde 

En chiton à colpos long jusqu’aux talons avec la zona au-dessous de la poitrine, le tissuest bleu-vert et légèrement transparent. Une palla de couleur fauve et blanche est jetée sur son épaule gauche. La coiffure est en bandeaux crantés avec un chignon bas à la mode de lafin des Sévères21.

 2.5. L’initiée 

On ne peut rien dire sur son costume invisible caché parla ménade précédente et la captive, quant à sa coiffure,elle reste classique séparée par une raie au milieu et ornée de la mitré dionysiaque avec des pampres de raisin sur les côtés, signe distinctif des bacchantes initiées.

2.6. La reine prisonnière 

Sa tenue est particulière de par la couleur et la coupe ; elle semble porter une tunique intérieure talaire laticlave, à colpos, qui manque de souplesse par rapport aux autres (blanche transparente) et à deux clavi verticaux qui descendent le long des deux jambes de couleur dorée. Par-dessus, elle arbore une espèce de manteau court ample à clavi (deux clavi parallèles rouges sombres descendent des épaules). Ce manteau n’est pas ouvert comme l’himation ou la palla, ilestplutôtfermé comme le manteau d’origine lacédémonienne qui était un vêtement de voyage très rarement figuré,mais cité par les textes anciens22.

Le blanc pose problème et renvoie,comme l’a écrit Blanchard-Lemée23, à une lointaine contrée (Inde, Ethiopie ou Egypte),sachant qu’il s’agit d’une reine prisonnière que Dionysos a ramenée après sa conquête de l’Inde. On sait que chez les romains, le blanc était d’abord exclusivement employé relevé de claves colorées (comme ici), mais à partir du IIe siècle Av. J.-C.les couleurs sont très appréciées sous l’influence Gréco-Orientale. Par ailleurs, Athénée de Naucratis cite des captives venues d’Inde dans sa description de la fête des Ptolemaia de 270Av. J.-C.mais ne décrit malheureusement pas les tenues « […] des Indiennes et d’autres femmes en tenue de captives[…] » dans le cortège dionysiaque24.

Les cheveux sont crantés en bandeaux ondulés suivant la coiffure d’Orbiana épouse d’AlexandreSévère(Figure 9), et une couronne dorée est posée devant une natte, bien que la coiffure ait été jugée par Donderer25comme la plus tardive du début de l’IVe.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Figure n° 9 :Orbiana  Source : www.pinterest.com

 

 

  Toutes les ménades de cette mosaïque portent l’essentiel de la skeuê theou ou « livrée du dieu Dionysos » (mis à part la nébride qui n’apparaît pas sur la mosaïque) comme le cite Euripide dans les Bacchantes 26. S’adressant au roi Penthée, Dionysos lui impose la tenue des ménades et des bacchantes : « […] Je vais te dénouer ta chevelure et l’étaler sur les épaules…Enveloppe toi d’une robe de lin, une robe qui te descendra jusqu’aux pieds et sur la tête une mitré…Ta ceinture s’est relâchée et les plis de ta robe ne tombent plus droit sur tes chevilles… Penthée répond alors : C’est ce qui me sembla aussi, du côté droit, de l’autre côté la robe va bien jusqu’aux talons. Penthée sort du palais chevelure flottante vêtu de la longuerobe ionienne(chiton), coiffé de la mitre, le thyrse à la main […]».

Il est donc évident que les mosaïstes et les commanditaires de Djemila (antique Cuicul) et de Sétif (antique Sitifis) n’ont pas reproduit fidèlement l’aspect des personnages féminins de la légende dionysiaque tel qu’il est cité dans les écrits, notamment chez Euripide. Nous retrouvons tout de même des éléments cités par Euripide comme la ceinture et la longueur de la tunique talaire et probablement aussi l’étoffe des robes représentées qui serait du lin fin.

La seule ménade qui représente parfaitement la tenue ménadique attestée par la littérature est celle qui ferme la marche du cortège, aussi biendans sa coiffure, quedans le thyrse qu’elle tient dans la main droite comme indiqué dans « les bacchantes » d’Euripide. Les autres campagnes du dieu arborent des coiffures humaines en vogue à l’époque et ne portent pas la mitré dionysiaque.

Enfin, il est important de souligner que cette tenue décrite par Euripide était valable aussi bien pour les simples femmes mortelles que pour les ménades et les bacchantes.Dionysos s’adressant à Penthée lui dit : « […] Sors devant le palais, fais- moi voir ta parure de femme, de ménade, de bacchante ».27

Conclusion

Pour conclure cette première recherche, Dans l’antiquité, le costume se caractérise par sa permanence et sa transmission d’une société à une autre notamment de la société Grecque à la société Romaine. Certains vêtements restent atemporels et changent juste parfois de terminologie comme c’est le cas du peplos / chiton ionique / tunica ou l’himation Grec qui est adopté par les romaines sous l’appellation de Palla. Il est important de noter ici, que les historiens précisent que la palla ne fait plus partie de la garde-robe féminine des Romaines à partie du IIIème siècle28 ! Or, l’ona vu que toutes ces draperies (y compris le pallium) et autres accessoires apparaissent sur les mosaïques de Cuicul et de Sitifis qui sont espacées d’un siècle et appartiennent l’une au Bas- Empire et l’autre au Haut- Empire (début du IIIe et début de l’IVe siècles).

Nous pouvons, donc,dire que ces femmes dionysiaques figurées sur les pavements de Cuicul et de Sitifis ne se parent pas de vêtements mythologiques particuliers,car elles sont représentées habillées à l’instar des femmes « mortelles » de l’époque romaine.

 Elles sont rarement dénudées, comme c’est souvent le cas sur les sculptures Gréco-Romaines ou sur les céramiques Grecques, et jamais échevelées avec des couronnes de serpents comme le sont les bacchantes ou les ménades dans le cortège des Ptolemaia,par exemple. Sur la majorité des mosaïques dionysiaques d’Afrique du Nord, les ménades et les bacchantes sont représentées habillées dans des accoutrements proches de ceux qui apparaissent sur nos deux mosaïques présentées dans ce travail.Nous avons relevé une nudité (totale ou partielle) uniquement sur neuf (9)pavements répertoriés dans les villes d’El Jem antique Thysdrus29, Hammamet antique Pupput30, Nabeul antique Neapolis31, Timgad antique Thamugadi32et Lambèse antique Lambaesis33.

 Qu’elles soient nymphes, phallophore, participantes à l’initiation au culte des mystères dionysiaques, ménades ou bacchantes, elles sont toutes plus ou moins décemment vêtues à Cuicul et à Sitifis, observant même parfois une pudeur que je qualifierai d’inhabituelle chez des femmes dionysiaques !

Il me tarde d’aller plus loin dans ce projet d’étude sur le costume féminin à travers la mosaïque Romano-Africaine afin de lever le voile (restons dans le thème) sur de nombreuses questions qui me taraudent l’esprit notamment :

Pourquoi observe-t-on plus de pudeur dans l’habillement (et parfois même le déshabillement) des femmes dionysiaques sur les mosaïques que dans la sculpture et la peinture des vases Grecs ?

Notes

1.-   Serghidou, A. (2012), « Vêtements et preuves chez Hérodote ». In Gherchanoc.F et Huet, V. Vêtements antiques, s’habiller et se déshabiller dans les mondes anciens. Paris, P 77-99

2- Voir l’étude de Françoise Gerchanoc.Valérie Huet, Le corps et ses parures dans l’antiquité Gréco-Romaine. Bilan historiographique. Dialogues d’histoire ancienne.

3-Blanchard-Lemée, M (1998) « Dans les jardins de Djemila. » A AF 34. pp 185-197

4- Leschi, L (1935), « Mosaïque à scènes dionysiaques de Djemila-Cuicul (Algérie) ». Monuments et mémoires de la fondation Eugene Piot, Tome 35. Fasc 1-2.pp 141

5- Plaute, 230-5

6- Ovide, L’art d’aimer, Livre 1

7- Robert, J.N (1988), Les modes à Rome. Paris Ed Les Belles lettres, p 50

8- Leschi, L. op cit.p142

9- Ibid., pp 147-149

10-Repond,J (1931), Les Secrets de draperie antique de l’himation grec au pallium romain, fig 64.

11-Leschi, L, op cit. p 154

12- Sauron, G, (2009), Dans l’intimité des maîtres du monde. Les décors privés des Romains. Fig. 114

13-  Leschi,L, op cit. p 156

14- Etienne, R, (1951) « Dionysos et les quatre saisons sur une mosaïque de Volubilis ». MEFRA 63.pp 89-119. Pl II

15-  Leschi, L, op cit .pp 139-172

16-  Ibid. 156

17-  Beaulieu,M, (1951), Le costume antique et médiéval. Paris PUF, p 54

18-  Blanchard-Lemée, M, (2011) « Le triclinium à la mosaïque dionysiaque de Sétif (Algérie) » CMGR IX. Vol I, pp 291-300.

19-  Foucher, L, (1961), Découvertes archéologiques à Thysdrus en 1960. P 27, pl VIII

20-  Etienne, R, op cit. pp 89-111. Pl II

21-Blanchard-Lemée, M, (2011), op cit. p 296

22-  Ménard, R, (1881) La vie privée des anciens, Paris Vve A. Morel et Cie éditeurs, p 294

23-  Blanchard-Lemée,M, op cit. p 296

24-  Dunand,F, (1981)  « Fête et propagande à Alexandrie sous les Lagides », La fête, pratique et discours. Université de Franche-Comté. Annales littéraires de l’Université de Besançon 262. pp 13-40

25- Donderer,M, (1988) « Dionysos und Ptolemaios Sôter als Meleager : Zwei Geamalde des Antiphilos » in Zu Alexander d.Gr.Fesgtchrift G.Wirth,W.Will, Ed Amsterdam..pp 781-799

26-Euripide, (1842), Tragédies dEuripide. Traduite du Grec par M.Artaud, Paris Charpentier Librairie. Deuxième série, Tome 2, Chap. 20 « Les bacchantes ».

27- Robert,J.N, op cit, p 61.

28-  Mosaïque du cortège dionysiaque avec Hercule ivre, mosaïque des satyres et bacchantes, mosaïque du cortège dionysiaque, scène érotique entre un satyre et une ménade, mosaïque de Sollertiana domus.

29-  Mosaïque du Satyre avec la nymphe.

30-  Mosaïque de la Nympharum domus.

31-  Mosaïque Des Philadelphes.

32-  Mosaïque des scènes dionysiaques.

 

Références bibliographiques 

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Liste des figures

 

Figure N° 1. Mosaïque dionysiaque de Cuicul-Djemila.   

Figure N° 2 : Détail Scène d’allaitement

Figure N° 3 : Détail Domptage des fauves

Figure N° 4 : Détail Scène d’initiation

Figure N° 5. Le Châtiment de Lycurgue

Figure n° 6 : Triomphe Indien de Dionysos. Mosaïque de Sétif

Figure n° 7. Julia Mamaea

Figure n° 8 :Otacilia Severa

Figure n° 9 :Orbiana

@pour_citer_ce_document

Nedjma Serradj-Remili, «Vêtements et coiffures des femmes dionysiaques à travers des mosaïques de Cuicul et Sitifis»

[En ligne] ,[#G_TITLE:#langue] ,[#G_TITLE:#langue]
Papier : p p 75-83,
Date Publication Sur Papier : 2020-08-17,
Date Pulication Electronique : 2020-08-17,
mis a jour le : 17/08/2020,
URL : https://revues.univ-setif2.dz:443/revue/index.php?id=7041.