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L’humanisme perdu en médecine
Humanism lost in medicine
p p 414-422
Date de réception : 2020-10-14 Date d’acceptation : 2021-12-15

Lamri Harbouche
  • resume:Ar
  • resume
  • Abstract
  • Auteurs
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  • Bibliographie

لم يكن الانتقال من الطب العام إلى الطب التقني، والذي يرجع سببه للتطورات التكنولوجية، إلاّ مسألة وقت فحسب، لكن، وهو في طريقة إلى هذا التحول فقد ما كان يميزه باعتباره إنسانيا، ويكون بذلك قد أثار تساؤلات حول طبيعته، وغاياته، وحول ما سيكون عليه مستقبلا، وخاصة حول أ سباب وجوده، وهي، العلاج والإبقاء على الأعضاء في حالة صمت (لأن الصحة هي صمت الأعضاء)، والتخفيف من الألم. يهدف هذا المقال أبستمولوجيا إلى بيان الطابع الإنساني الذي يميز الطب العام، والذي ضاع أثره في الطب التقني المتخصص، وذلك بتوضيح العوامل الأساسية المتسببة في الحط من إنسانيته، والتي كانت سببا في ما تعرض له من أزمات.   

الكلمات المفاتيح

 الطب، الطب العام، الطب التقني، الإنسانية في الطب، العلوم الإنسانية

Passer de la médecine générale à la médecine technicienne du au développement technologique, c’était une question de temps, mais, perdre en route ce qui définis la médecine et la caractérise comme humaine, suscite des questionnements autour de sa nature, de ses fins, de son devenir et surtout de sa raison d’être, guérir, maintenir les organes en silence, apaiser les souffrances.Cet article tend à démontrer épistémologiquement le caractère humain de la médecine générale qui peut faire d’elle une science humaine, perdue en médecine technicienne, et cela, parla clarification des principaux facteurs dégradants de l'humanisme médical qui distinguent la crise de la médecine.

Mots-clés :Médecine, Médecine générale, Médecine technicienne, Humanisme en médecine, Sciences Humaines

Moving from general medicine to the technical one because of technological development was a question of time, but losing along the process what defines medicine and characterises it as human, trigger questions about its nature, its ends, its future and above all its raison d’être, that is healing and keeping organs safe and sound silently, and soothing sufferings. This article tends to demonstrate epistemologically the human character of general medicine, which can make it a human science, something that has been lost in technical medicine, by clarifying the main degrading factors of medical humanism that distinguishes the crisis of medicine.

Keywords:Medicine, general medicine, technical medicine, Humanism in medicine, Human Sciences

Quelques mots à propos de :  Lamri Harbouche

Université Mohamed Lamine Debaghine Sétif2, philatou19@yahoo.fr

Introduction

  Les avancées scientifiques et l'explosion technologique ont eu un impact considérable dans plusieurs domaines de la vie, et bien sûr, la médecine en a été bénéficiaire que ce soi au niveau de ses outils diagnostique, que ses capacités thérapeutiques, rendu plus efficaces, on peut dire qu'aujourd'hui c'est l'ère de la médecine technique 

  Mais faute d'avoir pris en considération le caractère bancal de la pratique médicale, l'hypertechnicité de la médecine a provoqué un malaise dans la médecine contemporaine, définis par une dysharmonie entre médecin et patient dû : à l'oubli d'un humanisme qui jadis marquait la profession, à la rigidité du système de soins qui a transformé le malade en patient, à un système de formation incomplète des médecins.En insistant sur le caractère humain de la médecine malgré les facteurs diminuants de son humanisme, nous incite à se demander si L’aspect humain de la médecine générale peut faire d’elle une science humaine ?

Santé, maladie et douleur

La Santé

Dans une formule le chirurgien René Leriche (1936), définit la santé comme «la vie dans le silence des organes », seulement, pour lui, il ne s'agit pas de donner une définition universelle de la santé, plutôt cette définition est celle du malade et non de la médecine, car Leriche savait que le silence des organes n'exclut pas la présence d'une maladie. Encore, il ne fait pas de la maladie une affaire interne et personnelle qui ne concerne que le malade lui-même.

    Quelle que soit la définition qu'on donne à la santé, il reste que cette dernière n'est qu'un concept vulgaire, autrement dit trivial, pour Georges Canguilhem (1972), il n'y a pas de science de la santé, et que la santé n'est pas un concept scientifique, plutôt un concept commun à la portée de tous (Canguilhem, 1972, pp. 74-75).

    Dans ce sens Canguilhem n'hésite pas à donner sa propre définition de la santé «c’est le luxe de pouvoir tomber malade et de s’en relever, c'est un luxe biologique» (1972, p. 42). À partir de cette définition on peut conclure qu'il n'y a pas de santé parfaite mais plutôt une santé restreinte.

L'organisation mondiale de la santé (OMS)a proposé une définition de la santé comme «un état complet de bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité» (OMS, 2014, p. 1).  D’autres prétendent que la santé n'existe pas, ce n'est qu'un concept, un mythe, une utopie car tout simplement, il n'y a pas de santé sans maladie.

Quelle que soit la définition de la maladie, je suis entièrement d’accord avec Socrate quand il disait « Il n’existe point pour l’homme de bien plus précieux que sa santé ».

La maladie

Ontologiquement parlant, la maladie est le plus ancien phénomène Lié à la vie humaine. Elle a pris deux dimensions fondamentales qui ont tiré profit de son existence : une dimension anthropologique, et une autre sociologique et dans trois autres dimensions complémentaires (Biophysique, psychologique, sociologique) 

-Dimension anthropologique :L’anthropologie médicale ou plutôt anthropologie de la maladie, pour ceux qui préfèrent cette appellation pour des raisons justifiées dont on ne peut discuter dans ce chapitre. Toutefois, il faut reconnaitre qu'il n'y a pas de société où la maladie n'ait une dimension sociale, est puisque la maladie est la plus individuelle des  réalités, elle nous fournit une image sur la liaison intellectuelle entre perception individuelle et symbolique sociale (Augé, 1986).  

    L'anthropologie de la maladie s'oriente dans ce sens afin d'examiner les différentes représentations de la maladie dans les sociétés antiques et les sociétés contemporaines pour des raisons cognitives et fonctionnalistes (Fainzang, 2000). Malgré la diversité des systèmes d'interprétation de la maladie, une caractéristique générale des modèles étiologiques dans les sociétés dites traditionnelles est la fréquence des interprétations prosécutives dont la sorcellerie est l'archétype. L'enfant a des vers parce qu'il mange trop de sucreries, le nourrisson souffre de malnutrition parce qu'un charognard a survolé sa maison, le lépreux est malade parce qu'un interdit a été rompu (Fassin & Jaffré, 1990, p. 42).

- Dimension sociologique : autrement dit, chaque culture a sa façon de classer les maladies, selon les différences entre catégories sociales, entre familles, entre guérisseurs.

- Dimensions complémentaires: Biophysique,la maladie est uneanormalité dans la structure ou le fonctionnement des organes ou du système pathologique, c'est la maladie de nature biophysique,un fait objectif, qu'on peut définir comme une altération organique ou fonctionnelle, la maladie dans ce sens est tout simplement une pathologie.

- psychologique : une dimension qui se réfère aux perceptions et aux expériences vécues par l'individu comme l'état physique et psychologique du malade. Cette dimension désigne plus précisément les réactions culturelles, personnelles et interpersonnelles.

-Socioculturelle : une dimension sociale, ou la maladie socialisée à travers la gestion des rapports sociaux et professionnels vécus par le malade (Jaffré & De Sardan, 1999). Dans le sens des deux dimensions, la maladie c'est le malaise et l’indisposition, elle implique alors la conscience de celui qui la vit. 

    Les trois dimensions biophysique, psychologique et socioculturelle, sont les mots enanglais (disease, illness, sickness) dont il est nécessaire de prendre en compte la distinction entre chacun dans la relation thérapeutique. Car ce que le malade exprime, manifeste et demande, se diffère de ce que le thérapeute pense de la maladie en général, et de son malade en particulier, autrement dit il y a une maladie du malade (qui sent la maladie) et une maladie du médecin (qui traite la maladie) (1990, p. 39).

    La santé n'est toujours pas opposée à la maladie, ce ne sont pas deux thèses contradictoires, pour mieux montrer cette opposition, GeorgesCanguilhem se réfère au livre de Claude Bernard "Leçons sur la chaleur animale" (1876) qui explique:«La santé et la maladie ne sont pas deux modes différant essentiellement, comme ont pu le croire, les anciens médecins et comme le croient encore quelques praticiens. Il ne faut pas en faire des principes distincts, des entités qui se disputent l’organisme vivant et qui en font le théâtre de leurs luttes. Ce sont là des vieilleries médicales» (1972, p. 27).

    Dans la réalité, il n’y a entre ces deux manières d’être que des différences de degré : l’exagération, la disproportion, la désharmonie des phénomènes normaux constituent l’état maladif. Il n’y a pas un cas où la maladie aurait fait apparaître des conditions nouvelles, un changement complet de scène, des produits nouveaux et spéciaux. Donc le normal et le pathologique sont deux états de la représentation corporelle, ou plutôt deux formes de la conditionhumaine. «Si la santé est l’innocence organique, Elle doit être perdue, comme toute innocence» (1972, p. 40), même lesproverbes et dictons de la Franche-Comté affirment ce propos quand ils disaient qu’ «On n'est jamais si près de maladie qu'en santé» (franc-comtois, 1876). 

La douleur

Le malade est une personne qui souffre, la maladie n'est pas toujours un déséquilibre biophysique, mais un sentiment de faiblesse (Dagognet, 1962), une sensation de douleur, celle-ci étant le premier mobile de la consultation médicale,c'est un phénomène difficile à analyser, presque aucun accès direct au médecin à ce phénomène, ce qui met le médecin dans une situation délicate, généralement elle le pousse à faire appel au malade afin d'exprimer son ressentir et ses émotions.  

Seuls les mots de l’homme qui souffre permettant d’indiquer la présence d’une douleur qui en elle-même n’est pas susceptible d’observation. Ce sont les enjeux de la maladie qui conduisent Canguilhem à distinguer plusieurs conceptions, d’où il dégage une théorie strictement objectiviste selon laquelle la scientificité du point de vue anatomique passe nécessairement par l'éviction du point de vue du malade comme conscience d'un mal (1972, pp. 40-41). Ne vous y trompez pas disait Leriche :« Son analyse est difficile. Tout dans la douleur est subjectif. Rien n'est mesurable. Ce que nous en disent ceux qui souffrent ne s'adresse qu'à notre imagination» (Leriche, 1940, p. 42). Donc le malade exprime sa douleur et le médecin l'imagine, ce qui rend la tâche du médecin plus difficile. 

Et puisque la douleur ne protège pas l'homme, elle le diminue, la plainte du patient reste faible et n'exprime tout autant pas la douleur et la souffrance, cette violente commotion surtout quand elle est chronique, car la douleur chronique détruit l'individu physiquement, psycho-logiquement et socialement.

La douleur n'est pas seulement un fait psychologique, elle est d'abord un fait d'existence. Ce n'est pas le corps qui souffre, mais l'individu dans le sens et dans la valeur de sa vie. La douleur du malade est un embrasement de souffrances à vif (Marzano, 2010, pp. 323-326), bien que : « pour nos yeux déjà usés, le corps humain constitue, par droit de nature, l’espace d’origine et de répartition de la maladie » (Foucault, 2009, p. 13).Finalement la réalité de la douleur est une expérience qui pour être appréhendée nécessite le concours d'un champ de connaissances élargi qui se donne l'homme comme réalité intégrale. Donc la science de la matière telle que la médecine ou la pathologie ne parviendra pas a reconstituer seule la réalité subjective de la douleur (Kotobi, 2009, p. 9), Une réalité unique qui est celle de l'homme dans sa totalité, corps et esprit. 

Bien que la douleur soit un phénomène inaccessible et difficile à comprendre pour le médecin, que pour le malade, cela rend l'exercice médical extrêmement délicat, c'est pour cette raison que le médecin doit faire appel à sa formation sur l'exercice clinique, autrement dit, sa formation en qualité de médecin généraliste avant tout. « Quant à vous, vous avez beau regarder, toucher du doigt. Vous ne voyez rien, vous ne sentez rien, car rien dans la douleur n'est accessible à vos sens. Devant elle, tant que nous restons bien portants, nous demeurons au seuil de l'inconnaissable» (1940, p. 42). Pour Leriche, l'étude de la douleur conduit à une médecine clinique, une médecine Humaine dans tous ses gestes.

La crise de la médecine

La médecine est une activité qui a pour objet : la connaissance de l'état de santé. La connaissance des divers états morbides, et la connaissance des agents thérapeutiques ou des moyens de faire cesser les états morbides.Elle s’enracine dans l’effort spontané du médecin afin de créer un état meilleur pour le malade, tout en utilisant les résultats de toutes les sciences au service des normes de la vie. C’est donc d’abord parce que les hommes se sentent malades qu’il y a une médecine, ce n’est que les hommes, parce qu’il y a une médecine, savent en quoi ils sont malades (1972, pp. 196-197).

    L'histoire de la pensée médicale nous révèle que la médecine s'enracine dans la relation entre le malade et le médecin et avec Hippocrate trouve son vrai sens, c'est que la maladie ne sera plus tenue pour une punition divine, ni une possession démoniaque ? Elle doit tout simplement être traitée comme un désordre corporel. Autrement dit le lien entre la maladie et le mal s'est trouvé dissocié pour la première fois dans l'histoire de la médecine, c'est une forme d'esprit scientifique qui s'affirme et se développe. 

Dans son livre "Introduction à l'étude de la médecine expérimentale" (1966) Claude Bernard détermine le principe de la médecine basé sur l'évidence que la pathologie et la physiologie ne se séparent réellement pas dans leur étude scientifique. Donc il est convaincu que la médecine ne peut se constituer, ainsi que les autres sciences, que par la voie expérimentale, et dans ce cas-là, «il n’est pas nécessaire d’aller chercher l’explication des maladies dans les forces ou les lois qui seraient d’une autre nature que celles qui régissent les phénomènes ordinaires de la vie » (Koyré, 1964, p. 214). C'est-à-dire la médecine doit être gérée par l'application immédiate et rigoureuse du raisonnement aux faits que l'expérimentation et l'observation nous fournissent (Claude, 1966, pp. 33-49). Ainsi la médecine s’installa dans une position mécaniste conforme à l’idéologie positiviste et au matérialisme scientifique dont la théorie de Claude Bernard fait partie. L’idéologie positiviste dominante à l'époque, ne juge la scientificité d'une discipline que par sa dimension expérimentale, cela dit que la médecine comme la physique, est une science expérimentale.

    De cette façon la médecine dans son évolution a pu se libérer des interprétations métaphysiques et occultes de la maladie, seulement, avec la médecine scientifique moderne on assiste à une nouvelle procédure, la dissociation non seulement celle de la maladie et du mal, mais celle de la maladie et du malade.

La médecine contemporaine se présente comme science des maladies, une médecine qui a pu éradiquer quelques maladies infectieuses majeures, allonger l'espérance de la vie, elle est bien présentée au niveau mondial par un organisme international tel que (OMS)qui le met à jour en prenant en considération les dimensions sociales et géopolitiques de l'apparition et du cours des maladies. C'est une évolution remarquable de la médecine, MAIS, Canguilhem redouteque «l’image du médecin habile et attentif dont les malades singuliers attendent leur guérison ne soit occultée par celle d'un agent exécutant les consignes d'un appareil d'État, chargé de veiller au respect du droit à la santé que revendique chaque citoyen». Ni le malade, ni sa douleur qui change, c'est l'image de la médecine et du médecin qui change.

    Dans un entretien avec le philosophe et médecin français, FrançoisDagognet par Serge cannasse sur ce qu'il appelait déjà en 1976«la crise de la médecine»le philosophe explique que cette crise qui a débouché sur deux médecines : une médecine générale et autre de spécialité, l'une qui est fondée sur la relation, l'autre sur la raison, l’une est clinicienne, l’autre technicienne, cette dernière qui   triomphe sur l’autre.

Pour le philosophe Dagognet,il y a une différence entre les deux médecines, selon lui la médecine a changé de statut il y a 20ou 30ans, deux types de médecins sont apparues un médecin attentif à la symptomatologie, et proche du malade, et celui qui fait une médecine instrumentalisée et technicienne, mais qui est éloigné du malade. Le premier est un interprète, il tient compte d’historique du malade, il est dans le relationnel, le second cherche la cause de la maladie, il est dans le rationnel.Les deux n'ont pas les mêmes objectifs, et ils n'obtiennent pas les mêmes résultats.

    Le but de cette séparation entre les deux médecines (générale et spécialisée) est nécessaire, car la médecine générale s'appauvrit de plus en plus, dépendante de la médecine technicienne. Cela ne veut pas dire que la médecine générale ne s'occupe pas du malade, bien au contraire, c'est une science de la lecture des symptômes, elle n'est pas comme la science physicomathématique, mais plutôt comme une discipline, rigoureuse, une herméneutique. C'est une médecine qui a besoin de sentiments du malade, pour les interpréter, les décrypter.

    Décrypter une somatisation, donner des conseils au pseudo malade, comme disait Dagognet, demande beaucoup de talent, qui pour la médecine technicienne n'est pas tout à fait la référence préférée, bien que les deux médecines soient indispensables, mais divergent (Dagognet, 2006, pp. 2-4).

 Le médecin généraliste a reçu une formation scientifique c'est un professionnel de santé. Cela lui permet, par conséquent, d'appréhender la demande de soins dans sa globalité, biomédicale, psychoaffective, socioéconomique et symbolique. Le patient constitue la seule source qui lui indique son état, soit normal, anormal, pénible ou inhabituel (Winckler, 2009, p. 68).

Bien que le rôle de la médecine d'aujourd'hui soit limité à l'élimination des maladies, elle s'éloigne de plus en plus de son objectif qui est de traiter les problèmes fondamentaux liés à la personnalité telle que les problèmes psychiatriques.

«Le médecin sera bien obligé d'avoir le souci des ensembles, des problèmes architecturaux, des problèmes de diététique, pour une société qui n'a plus les problèmes très simples de l'infection à résoudre, mais qui doit faire face aux  problèmes paroxystiques et insolubles de la personnalité» (Dagognet, 2012). L'enseignement des médecins doit comporter des sciences humaines, comme la sociologie, parce que les malades ne sont pas séparés de leur environnement. 

La médecine est une discipline qui devrait être au carrefour de plusieurs disciplines, l'étudiant doit avoir une formation pluridisciplinaire qui lui permet de formuler un questionnaire qui Pourrait l'aider à comprendre l'état du malade dons toutes ses dimensions (psychologiques, sociales, économiques…)

- le médecin doit aller et venir dans des mondes parfois ennemis, il doit traverser des milieux de culture (Dagognet, 1962, p. 3).

Donc la médecine comme son apprentissage et sa pratique ne peuvent être appréhendées en dehors du système culturel et des valeurs qui les conditionnent. Heureusement, c’est la médecine qui fait le médecin, quand l'inverse se présente, quand le médecin détermine la médecine, il lui arrive de la dégrader. Il faut donc qu'il se soumette à plein à ses exigences (1962, pp. 1-2).

- Puisque la maladie influence l'ensemble du corps, surtout quand il s'agit d'une maladie qui s'exprime d'emblée dans plusieurs organes. Donc il n'y a pas de maladie dite ponctuelle, et par conséquent, la médecine est générale et elle ne peut pas être autre chose.

    Autrement dit, le retour à la clinique est nécessaire, c'est de la demande du malade que naît la médecine et donc la clinique, car la maladie, c'est ce qui gêne les hommes dans l'exercice normal de leur vie et dans leurs occupations et surtout ce qui les fait souffrir (Canguilhem, 1972, p. 36). Finalement la médecine trouve son sens dans la clinique, surtout la médecine générale qui est une médecine pour tous, de la naissance à la mort. Malheureusement, ce genre d'enseignement a complètement disparu, plutôt les étudiants sont orientés vers un apprentissage d'une médecine hypertechnicienne l'a ou les gestes cliniques tels que : écouter, ausculter, palper, toucher le malade sont méprisés. Le médecin ne voit le malade qu'à travers les résultats d'analyse médicale.

Aujourd'hui passer à la médecine spécialisée, c'est en quelque sorte provoquer une crise que la médecine, disant plutôt que la médecine générale devient malade.

    Quatre aspects qui définissent la crise de la médecine générale :

- crise symbolique (la médecine générale est méprisée et souvent identifiée à une mauvaise qualité des soins si on la compare à la médecine spécialisée)

- crise politique et sociale (les politiques de santé ne s’appuient pas sur elle)

- crise de la formation (les généralistes sont formés par une université élitiste, dirigée par les spécialistes,un apprentissage d'une médecine hypertechnicienne)

- crise de l’investissement individuel (ses conditions d’exercice sont si difficiles en particulier pour les femmes – que des mesures prioritaires devraient faciliter leur installation et leurs conditions de travail, mais ces mesures ne sont pas prises) (Winckler, 2009, p. 67). Ces quatre aspects font perdre le sens humain de la médecine générale, et du médecin généraliste. 

    René Leriche lui-même a remarqué ce changement quand il a formulé cette question, «n'est-elle (la médecine) pas en train de perdre de vue ce qui continue d'en être l'ultime justification, c'est-à-dire la détresse d'un individu humain soufrant à laquelle le médecin est tenu de répondre» (Lecourt, 2004). Perdre quoi ?

Tout simplement la médecine a perdu son sens la clinique et perdre son sens c'est perdre son caractère humain (Corraze, 2015).

 

 

L’humanisme médical

Médecine ou acte médical, est une relation entre deux acteurs aux activités complémentaires, l'un le malade qui souffre, porteur de douleur et attend sa disparition grâce à un acte du second Le médecin, c'est un projet commun qui par le soulagement et la guérison, l'acte médical met en œuvre des moyens destinés à réaliser un but prévu.L'acte médical, au cours du temps, passe par trois étapes : Examen - Diagnostic - Traitement, bien qu'il y ait un grand changement dans l'application de ces étapes, mais le modèle reste le même.

Aujourd'hui on passe du médecin militant, au médecin-technicien (Mebtoul, 2003)qui tente de focaliser toute son attention sur la dimension scientifique et technique qui, seule selon lui, peut encore donner sens à l'activité médicale. C'est ce qui a été remarqué partout dans le monde, et en Algérie plus particulièrement à partir du moment où on est passé de la médecine gratuite du système socialiste, à la médecine privée spécialisée avec un autre système semi-libérale.     

  Certes on ne peut nier l'importance de la médecine spécialisée ou la médecine d’organe qui s'occupe des vrais malades et qu'elle seule est capable de remonter à la cause médicale identifiable aux symptômes du malade, mais en même temps, on ne peut nier ce qu'elle a sécrété comme défaut en qualité de relation entre médecin -malade. Ce couple qui n'a été que rarement un couple harmonieux, comme disait Canguilhem, dont chacun des partenaires puisse se dire pleinement satisfait du comportement de l'autre (Canguilhem, 2002, p. 15).

    Aujourd'hui il est devenu fréquent de signaler les malentendus et les conflits qui caractérisent les rencontres entre médecins et malades, dont les causes sont attribuées à l’hypertechnicité de la médecine contemporaine, à défaut d'écoute du malade, et à la rigidité du système de soins, et surtout, à l'oubli d'un humanisme qui, jadis, a marqué la médecine. Le malade n'a jamais été une machine vivante et le médecin ne sera pas non plus un réparateur de cette mécanique. Tout de même on ne peut nier l'existence de ce qu'on appelle le "Mauvais malade" qui engendrera de "mauvais médecin".

L'humanisme n'est pas une vertu qu'on appliquerait, à la médecine, bien au contraire il lui est indispensable, c'est la médecine qui doit constituer un modèle d'humanisme. Pour Platon «la médecine estdonc avant tout une technè exemplaire et transposable. Être compétent en médecine, c'est êtrecapable de gouverner la cité, encore soigner, pour Platon c'est éduquer,car la médecine est une Techné (technique), ou un art "parmi les arts du salut", c'est une éducation (Lombard, 2006, pp. 2-3).

    Dans son livre "la philosophie de la chirurgie" (1951) Leriche consacre tout un chapitre à l'humanisme en chirurgie, tout en affirmant que les progrès de la médecine lui fait courir un danger auquel elle ne va peut-être plus pouvoir résister, celui de la dictature des appareils, et en conséquent oublier le vieux sens Hippocratique "L'homme qui est son objet", il doit être de chair et de sentiments et d'instinct. C'est pour cette raison que le médecin est puni par l'ignominielorsqu'il a commis une erreur «la médecine est la seule profession dont l'erreur n'est punie que par l'ignominie "honte"    » (Hippocrate, 1843, p. 5).

Les principaux facteurs dégradants de l'humanisme médical

L'humanisme et co-substantiel à la médecine, ne peut être réalisé que par la renaissance de la clinique qui ne peut être opposée à la technique, il faut reconnaitre que le champ relatif à l'humanisme médical est vaste ce qui nous permet de remarquer, en réalité, l'absence de facteurs qui devaientle croitre, et en même temps la présence de facteurs qui le dégradent tels que :

- La classification de la médecine comme activité professionnelle due à l'évolution de la médecine surtout technicienne, et la création des cliniques privées qui rendent l'acte médical à l'ordre commercial. Une mauvaise prise en charge du malade dans les hôpitaux publics, tous ces facteurs sont responsables de la dégradation de l'humanisme qui définit l'acte médical, et ayant un impact négatif sur le malade qui manque de moyens, avec l'accroissement sans cesse du cout de la santé. On peut remarquer tout ça dans les pays en voie de développement comme par exemple l'Algérie.

- D'autres facteurs liés à la sélection arbitraire d'étudiants pour la formation des futurs médecins, autrement dit le problème d'orientation et de l'inscription par défaut de l'étudiant en médecine.  En Algérie, par exemple, on ne prend pas en considération les tendances et les compétences des élèves des classes de terminales, leur motivation réelle n'est pas évaluée à ce stade, plutôt, ce qui compte le plus c'est leurs moyennes. Pour ceux qui ne répondent pas aux conditions est qui ont tendance à suivre une formation en médecine, et qui possèdent les moyens, tentent de réaliser ce rêve dans d'autres pays comme la France.

- L'humanisme comme complément de formation : le programme d'enseignement (Le contenu), les étudiants en première année sont particulièrement faibles dans le domaine des sciences humaines. Issue de la filière scientifique, la majorité des étudiants relève d'une grande pauvreté en matière de culture générale, et particulièrement en outils philosophiques et intellectuels basiques et nécessaires à la réflexion, épistémologique, éthique, psychologique autour de la santé (Lecourt, 2000).

- La déduction de la disponibilité des médecins dûe à la réduction du temps de travail, selon la loi administrative, au niveau des hôpitaux, et centres médicaux publics qui sont le plus visités. Aujourd'hui, le médecin consacre moins de temps qu'il y a vingt ans avant.

- Manque de champs de communication interne et externe entre spécialistes en médecine, et établissements médicaux. Ici on peut faire référence aux champs de discussions Bioéthiques par exemple.

- Manque de moyens que ce soit financier ou personnel.

    De nombreux facteurs dégradants aussi de l'humanisme en médecine, surtout en Algérie qu'on ne peut citer sur ces pages limitées, tout de même, on peut conclure que la pratique de l'humanisme médical ne s'améliorera pas tant que ces conditions ne sont pas instaurées telles que :

- Rendre à la médecine générale sa place comme étant une médecine clinique,autrement dit redonner à la clinique toute sa place dans la pratique quotidiennequi vise à établir un diagnostic basé sur la pratique de l'examen clinique : L'interrogatoire et l'observation.

- Modifier les conditions de recrutement des futurs médecins. Questionner les candidats pour savoir s'ils ont le désir de soigner le souffrant, seront-ils disponibles pour le malade avec beaucoup d'humanisme, et avec une volonté de guérir ? Dommage, toutes ces questions sont posées bien tard après avoir être confronté au malade. 

- Modifier le contenu des programmes enseigné au cours de la première année sur tout.

- Bien évaluer le temps de travail des médecins afin d'encourager leur présence permanente près du malade.

- Créer des comités d'éthique et de bioéthique, comme champs de discussions autour des problèmes qui ont suscité le développement de la médecine technicienne.  

Conclusion

Puisque le projet de la médecine est d’accorder une particulière attention au malade, à ses souffrances, elle est essentiellement un humanisme. Seulement, de nos jours, nombreux sont les malades qui regrettent qu’en consultant un médecin ou entrant à l’hôpital, ne rencontrent pas le même interlocuteur et par conséquent ils éprouvent l’impression de n’avoir pas été écoutés. Est-ce le progrès médical qu’a fait oublier l’homme et sa dignité ?

    La nécessité de revoir le statut de la médecine générale et du médecin généraliste est tout à fait indispensable que ce soit sur le plan de la formation ou de l’exercice médical, tout en gardant à l’esprit que personne ne disposait d’une connaissance concrète innée de la pratique de l’humanisme médical.



[1]L'organisation mondiale de la santé (OMS) a pour activité:La Classification Internationale des maladies   prendre des mesures pour arrêter une Épidémie - Assistance aux PMA (Pays les moins avancés) - Garantir l'accès à des médicaments de bonne qualité - Recueillir et diffuser des données sanitaires des 193 États membres de l’OMS.

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Lamri Harbouche, «L’humanisme perdu en médecine»

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Papier : p p 414-422,
Date Publication Sur Papier : 2022-04-29,
Date Pulication Electronique : 2022-04-29,
mis a jour le : 29/04/2022,
URL : https://revues.univ-setif2.dz:443/revue/index.php?id=8880.